« Dis-moi » : Chantal Akerman, formes et circulations d’une « voix d’autrice »

« On parle souvent de Chantal Akerman comme une cinéaste de l’appréhension de l’espace et de l’écoulement du temps, mais elle aussi une cinéaste de la parole, imprimant de la conception à la réception de ses films ce que l’on pourrait désigner comme sa « voix d’autrice » – femaleauthorialvoice, écrit la théoricienne féministe du cinéma Kaja Silverman, qui interroge son existence dans son ouvrage The Acoustic Mirror (1988). Ce cours se propose d’explorer les formes que prennent cette voix au fil de sa circulation aux différents temps de la création. Elle est d’abord écriture, dans des scénarios dont on connaît mal la qualité littéraire, et dans lesquels Akerman n’hésite pas à s’emparer d’un matériau intime (exemplairement, sa correspondance avec sa mère dans News from Home).Cette écriture préalable est souvent effacée ou recouverte par le travail de mise en scène et de montage, mais la voix de l’autrice ressurgit dans celle de ses actrices, que la réalisatrice soit sa propre interprète (Je, tu, il, elle) ou qu’elle imprime dans la direction de ses comédiennes un ton, une diction singuliers que l’on retrouve d’un film à un autre. Elle est enfin discours que la cinéaste tient elle-même sur son œuvre, dont elle organise avec soin la réception et l’interprétation en élucidant ses choix formels, ses influences et la forte dimension autobiographique de son travail. » (Alexandre Moussa)