Dimanche 13 septembre 2020 Ă  21h15

Last and First Men

De JĂłhann JĂłhannsson
Hommage à Jóhann Jóhannsson / PremiÚre française

Documentaire, Islande, vostf, 2017, 71 min, Noir et blanc

Jusqu’à sa disparition prĂ©maturĂ©e en 2018, le compositeur islandais JĂłhann JĂłhannsson Ă©tait avec Max Richter ce qui est arrivĂ© de plus beau Ă  la musique de film depuis des dĂ©cennies. NĂ© en 1969 Ă  Reykjavik, il commence sa carriĂšre musicale dans les annĂ©es 80, participant Ă  des groupes de rock indĂ©pendant ( Olympia , Unun , Ham ) avant de co-fonder Kitchen Motors , vĂ©ritable laboratoire cĂ©lĂ©brant le dialogue entre toutes les musiques, de l’électro au classique en passant par le punk et le jazz, ligne qu’il approfondira inlassablement depuis Englabörn , premier album solo sorti en 2002. Ses mĂ©lodies mĂȘlant arrangements Ă©lectroniques et cordes entĂȘtantes imposent des paysages envoĂ»tants qui sĂ©duiront bon nombre de cinĂ©astes dont Denis Villeneuve qui fera appel Ă  lui pour tous ses films Ă  partir de Prisoners jusqu’à la splendide partition de Premier Contact . Quant Ă  l’inoubliable leitmotiv de The Theory of Everything , il en a transportĂ© plus d’un. Toujours avide d’évoluer et d’expĂ©rimenter, il livrera en 2018 avec Mandy une forme de testament bruitiste et hantĂ©, Ă  l’image du film de Panos Cosmatos. Alors que son dernier chef-d’Ɠuvre hors cinĂ©ma s’intitulait prophĂ©tiquement OrphĂ©e (2016), JĂłhann JĂłhannsson ne reviendra, malheureusement, plus jamais des limbes. 

Nous n’avions pas eu sensation eschatologique si forte depuis la trilogie des Qatsi de Godfrey Reggio. FascinĂ© par l’architecture du chaos, JĂłhann JĂłhannsson filme les Spomenici , ces monuments gigantesques Ă©rigĂ©s sous la dictature communiste de Tito. Symboles de mort et d’oppression, ils se dressent vers le ciel comme des temples paĂŻens sur une terre en cendres. Le rĂ©alisateur emprunte le titre de son unique long mĂ©trage au livre d’Olaf Stapledon, roman de SF philosophique Ă©voquant la fin des espĂšces humaines ; la voix apaisante de Tilda Swinton en lit les pages glaçantes tandis que retentit la musique tourmentĂ©e du compositeur (co-Ă©crite avec Yair Elazar Glotman). Last and First Men est bel et bien un film de fantĂŽmes. Nulle humanitĂ© Ă  l’horizon mais sa prĂ©sence – du temps oĂč elle existait – est palpable Ă  chaque instant. En noir et blanc 16mm, voici une expĂ©rience hypnotique et terrifiante, chronique de notre disparition annoncĂ©e.