Dimanche 13 septembre 2020 Ă  17h30

Larmes de clown

De Victor Sjöström
Retour de flamme / Copie neuve / Séance présentée et accompagnée au piano par Serge Bromberg

(He Who Gets Slapped), Avec, Lon Chaney, Norma Shearer, John Gilbert, Tully Marshall, Fiction, USA, muet, 1924, 71 min, Noir et blanc

Trahi par sa femme et son ami qui lui volent le fruit de ses travaux au moment oĂč il s’apprĂȘtait Ă  rĂ©vĂ©ler des dĂ©couvertes sur les origines de l’Homme, le scientifique Paul Beaumont se retire du monde. Il refait sa vie dans un cirque oĂč sous le nom de He il devient le clown qui reçoit des gifles de tous les autres clowns. Il s’éprend d’une Ă©cuyĂšre, elle-mĂȘme amoureuse d’un autre homme, mais que son pĂšre promet dĂ©jĂ  Ă  un mystĂ©rieux prĂ©tendant...

Il n’est jamais inutile de rappeler l’importance de Victor Sjöström, pionnier du cinĂ©ma autant aux États-Unis que dans son pays d’origine, inventeur de formes, auteur de merveilles telles Les Proscrits (1918), La Charrette fantĂŽme (1921) ou Le Vent (1928). Un grand cinĂ©aste suĂ©dois en rendant hommage Ă  un autre, il sera Ă©galement l’immense interprĂšte du personnage principal des Fraises sauvages (1957) d’Ingmar Bergman. Chef-d’Ɠuvre du cinĂ©ma muet, adaptĂ© d’une piĂšce de Leonid AndreĂŻev, Larmes de clown est un film fondamental dans l’histoire du cinĂ©ma. D’abord parce qu’il proclame l’entrĂ©e vĂ©ritable de Victor Sjöström Ă  Hollywood suite Ă  sa carriĂšre en SuĂšde, ensuite parce qu’il constitue la premiĂšre production de la MGM qui vient d’ĂȘtre fondĂ©e. En outre, c’est la premiĂšre fois qu’apparaĂźt le lion rugissant en ouverture ! Lon Chaney y porte la vengeance Ă  des sommets mĂ©lodramatiques et mĂ©taphysiques, quelques annĂ©es avant de se surpasser chez Tod Browning dans ses incarnations de personnages inquiĂ©tants, grotesques et tourmentĂ©s (L’Oiseau noir, La Route de Mandalay ou L’Inconnu). L’homme aux mille visages offre ici tout son gĂ©nie expressif au personnage, rĂ©pĂ©tant l’humiliation qu’il a subie dans le passĂ© dans son nouveau rĂŽle de clown qui se prend des claques, maltraitĂ© Ă  vie, maltraitĂ© par la vie. Presque anonyme, il n’est plus que He, bien avant que Stephen King n’écrive It. De fait, la mĂ©taphore est sombre et sans illusion, et Larmes de clown s’avĂšre profondĂ©ment misanthrope. Le bouffon se confond au tragique, dans un monde identifiĂ© Ă  une vaste mascarade. Avec sa mise en scĂšne et son montage incroyablement novateurs, Larmes de clown continue de bouleverser presque cent ans aprĂšs. On pourra, par ailleurs, s’amuser Ă  reconnaĂźtre, dans le rĂŽle d’un clown, une autre lĂ©gende du cinĂ©ma d’épouvante, non crĂ©ditĂ© au gĂ©nĂ©rique : un certain Bela Lugosi.