Un, Parfois Deux
De Laurent AchardDocumentaire, France, VOFR STEN, 2016, 52 min, Cinéma Numérique 2K
C’est une maison à la campagne où se tourne un, parfois deux films. De la mise en place des plans, du cadre et de la lumière, et des répétitions aux prises, des problèmes à leurs solutions. Tout ce qui, au moment du tournage, reste hors du champ de la caméra : et toute une équipe tendue vers ce qu’il y a dans ce champ. Pour Laurent Achard, peut-être plus que pour d’autres – à en juger d’après ses propres films, parmi lesquels les longs métrages Plus qu’hier, moins que demain (1998), Le Dernier des fous (2007), Dernière Séance (2011) – la fiction est une affaire de hors-champ, force qui produit le sens, aussi précis qu’indéfinissable, de chaque plan. On dit en général (c’est un peu un cliché) du hors-champ qu’il "travaille" le film. Ici, l’équipe travaille à un film qui reste hors champ, qu’on reconstitue par bribes, et qui vient "travailler" en retour la petite histoire de ces gens qui font un film. Or, cette histoire de tournage n’est pas derrière le film en train de se faire, ni devant lui, mais toujours à côté. [...] Les plans longs et larges de Laurent Achard cherchent ce qui se fait à côté : comment, pour la régie dans la cuisine, faire du café pendant que ça tourne dans l’autre pièce (sans faire de bruit), ou comment, pour les acteurs dans le plan, être seulement deux dans une pièce pleine de gens. Il y a cette très bonne scène où Catherine Deneuve apparaît et disparaît entre les membres de l’équipe, contre-pied absolu au plan frontal qu’ils sont en train de saisir.
–Luc Chessel (Libération, 2 décembre 2016)
This is a country home where one and sometimes two films are made. The shot, framing and lighting set-ups, from rehearsals to shooting, from problems to their solutions. Everything that remains outside the camera’s eye at the moment of shooting: and a whole team focused on what exists within this field of view. For Laurent Achard – perhaps more than others to judge from his own films including his features More Than Yesterday (1998), Demented (2007), Last Screening (2011) – fiction is a matter of offscreen, a force that gives each shot a precise albeit indefinable meaning. Ìt is often said (in rather clichéd terms) that the offscreen dimension “works” the film. Here, the crew works on a film that remains offscreen, which we reconstitute little by little (in snippets) and which, in turn, “works” the incidental story of these people making a film. Yet, the story of the shoot is not behind the film being made, or in front of it; but always on the side… Laurent Achard’s long wide-angle shots are searching for what happens on the side-lines: how the set crew make coffee in the kitchen while filming is in progress in the other room (without a sound), or how the actors manage to be just two in the frame in a crowded room. There is a very fine scene where Catherine Deneuve appears and disappears among the crew members, in total contradiction to the straight-on shot they are recording.
–Luc Chessel (Libération, 2 December 2016)