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    Design graphique : ABM Studio
    Design graphique : ABM Studio © Les Chansons d’amour © SEFM / Mystery Train © Les Acacias / Plaire, aimer et courir vite © Collection Christophel
    du 22 SEPTEMBRE au 05 DÉCEMBRE 2021

    ABCD Honoré

    100 séances imaginées par Christophe Honoré

    Nous avons proposé à Christophe Honoré de s’emparer de notre programmation, pour explorer, sous une autre forme, son geste artistique. Ce programme, conçu comme un abécédaire, s’inscrit dans sa veine autobiographique tout en inventant une sorte d’épistémologie romantique, examinant avec passion les raisons du cœur et les déraisons du corps. 

    A comme… Amour
    Christophe Honoré fut un jeune homme épris de cinéma. Il plonge ici dans sa mémoire pour retrouver l’état amoureux qui prévalait lors de la découverte de ces films, pour lesquels il a écrit une notice biographique projetée avant chaque séance. Aussi, il provoque cet amour en célébrant l’union de deux cinéastes (« séances Platon », à travers lesquelles il rapproche par exemple Jarmusch et Akerman) et en cristallisant son désir d’un film imaginaire (« Cristal Stendhal », une séance où il rassemble sa troupe et imagine avec elle un film parfait qu'ils·elles ne feront jamais).

    B comme… Bretagne
    La Bretagne coule dans les veines et dans les rêves d’Honoré. On retrouve ces paysages dans des films tournés là-bas ou dans ces Bretagnes imaginaires qui couvrent de Breizh d’autres films (on retrouve ainsi des morceaux de Bretagne dans Sleepy Hollow ou dans le Macbeth de Justin Kurzel). Honoré a également souhaité que l’on recrée les doubles programmes du Ciné-Breiz de Rostrenen, son village, où il a appris à aimer le cinéma et à être aimé par lui.

    C comme… Critique
    Honoré a été marqué par certains critiques de cinéma, tel Serge Daney. D’autres textes lui ont plu, qu’il a souhaité rassembler ici, ainsi que ceux qui les ont écrits. Dans les années 1990, il collabora aux Cahiers du cinéma : quelques-uns des films dont il parlait alors sont programmés. Le métier de critique est évoqué avec une table ronde, et celui d’attaché·e de presse à travers une conversation inédite.

    D comme… Désir
    Le désir est peut-être la seule chose qui compte quand on parle de cinéma, quand on le fait. On désire des films comme on désire des êtres, à travers un écheveau de fantasmes et de rencontres. Honoré recollecte ces obscurs objets, et invente des dispositifs qui jouent avec le désir des spectateur·rices : des séances inachevées qui frustrent et attisent notre appétit ; des séances au noir, où l’on retrouve la totale obscurité de la salle obscure, au simple contact des voix.


    Carte au trésor
    Durant des années, le plus important dans ma vie était d’obtenir l’autorisation parentale, le vendredi soir, de quitter la maison familiale à vingt-deux heures pour rejoindre le Ciné-Breiz. Là, à peine installé dans la salle, je sortais un carnet et un crayon, parce qu’il n’était pas question à mes yeux de cinéphile ignorant et exalté d’envisager le cinéma comme un passe-temps, c’était du travail déjà, il me fallait prendre des notes durant la projection, puis rentrer dans la nuit au lotissement des Espaces Verts, fumer les deux cigarettes volées à ma mère, m’enfermer dans ma chambre et écrire la chronique qui paraîtrait à la fin du mois dans le journal du collège. Le peu de films qui parvenaient jusqu’à l’unique écran de mon village en Bretagne devinrent à la fois des refuges et des maîtres. Étudiant, l’addiction se substitua à l’application. Je séchais la faculté et passais mes après-midis dans les salles, enchaînant les rétrospectives et les sorties de la semaine, effrayé à l’idée de rater quelque chose et convaincu que je ne parviendrais jamais à rattraper mon retard. Ces heures enfermées constituaient la part essentielle de mes jours ; les nuits je traînais dans les rues à la recherche d’hommes inconnus avec qui jamais je n’ai parlé cinéma. Paris mit un terme à ces mauvaises manières cinéphiles. Je suis devenu un spectateur du dimanche, les films des autres n’étaient plus mon seul oxygène. J’ai commencé à écrire et aimer pour de vrai. J’ai commencé à me dire que mes yeux avaient besoin d’oublier ce qu’ils avaient vu et que le temps était venu des films à soi. Quand le Forum des images m’a proposé d’établir une programmation sur plusieurs mois, j’ai saisi cette chance pour me replonger dans mes mauvaises manières. Retrouver le plaisir du cinéma comme carte au trésor. Cette carte, je lui ai assigné quatre points cardinaux, à la fois guides et horizons : l’Amour, la Bretagne, la Critique, le Désir. Mes émotions se sont rangées dans un abécédaire, je me suis aperçu ainsi que programmer, c’était étrangement nommer, c’était sertir de mots des images qui nous ont échappé.
    Christophe Honoré

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