Jeudi 17 mars 2022 à 18h30

Les Bicots nègres, vos voisins

De Med Hondo
Cinéma du réel. Afrique documentaire. Figures tutélaires.

Documentaire, France, Mauritanie, 1973, 102 min, Couleur, 35mm optique

« Certains les appellent « les bicots » ; d'autres « les nègres » : autrement dit, « les bicots nègres ».
En France, ils sont des milliers. Ils font les travaux les plus pénibles, les plus dégradants ; ils sont mal payés. Sous-payés dit-on. Ils vivent, pour la plupart des cas, dans ce que l'on a coutume d'appeler les bidonvilles, les taudis.
On leur a consacré des livres, des études sociologiques qui se « penchent sur leur cas ». À la télévision, différents ministres ou secrétaires d’État, différents gouvernement européens se sont émus du sort qui leur est réservé en Occident chrétien, prospère, dynamique et libéral.
La plupart de leurs dirigeants politiques nationaux ne s'en préoccupent guère. Leur départ du pays d'origine est souvent souhaité, et pour tout dire voulu, encouragé, organisé. C'est toujours autant de bouches en moins à nourrir et puis, sait-on jamais, ils pourraient menacer l'ordre des choses : l’État Souverain. Bref, les voilà ces travailleurs, esclaves nouveaux des temps modernes, qui s'embarquent vers un paradis tant rêvé, l'espoir au cœur et les ventres vides.
Depuis 1960, leur nombre ne cesse de grossir. Les « rabatteurs et négriers » se multiplient entre l'Afrique et l'Europe comme au bon vieux temps. On les découvre transportés dans des camions transportant des machines à coudre (frontière italienne), ou mort de froid (frontière espagnole). Mais qui sont-ils en réalité ? Et pourquoi quittent-ils leur pays d'origine en si grand nombre ?
Chacun de nous pourrait fournir des milliers de raisons, de multiples explications, d'infinies justifications. Il nous a paru plus juste, pour une fois, de leur demander de prendre la parole.»

Synopsis de Med Hondo, Paris, 31 juillet 1974.

 

Né en 1936 en Mauritanie, Med Hondo est connu dans le monde du doublage et auprès du grand public comme la voix française d’acteurs afro-américains comme Eddie Murphy, Morgan Freeman ou Richard Pryor. Arrivé en France à la fin des années 1950, il a exercé de nombreux métiers (docker, cuisinier) avant de se lancer dans le cinéma avec, comme credo, l’anticolonialisme et le goût de la rébellion. Son premier film Soleil Ô, sorti en 1969, est une attaque cinglante contre le colonialisme. Viendront après Les Bicots-nègres, vos voisins, West Indies ou les nègres marrons de la liberté (1979), une comédie musicale sur la traite des esclaves, et Sarraounia, évocation de la reine du même nom (1987).
(d’après Le Monde, mars 2019)

Production : Les Films Soleil O
Image : Jean Boffety, François Catonné
Son : Denis Bertrand, Alain Contrault, Clément Menuet
Montage : Michèle Masnier