Vendredi 22 mars 2019 à 20h30

Journal d'un montage

De Annette Dutertre
Fabriquer le cinéma

Documentaire | France | VOF | 2012 | 99 min | Apple ProRes

Suivre un film en cours de montage, dans ce moment d’écriture très particulier où le film trouve lentement sa forme et son rythme, sa musique, se discute et sort des limbes. En 1994, on montait encore sur pellicule, avant l’arrivée de l’Avid, c’est-à-dire du montage numérique. Jacques Comets est de tous les plans, à la table de mon­tage, gai et plein d’humour, heureux de travailler dans une totale complicité avec Christine Pascal. Annette Dutertre est son assistante monteuse. Par jeu, ils ont pris le parti de se filmer, sans que cela ne modifie en rien leur attitude et leurs gestes. Ces images sont restées pendant longtemps dans une boîte, jusqu’à ce que Annette Dutertre décide d’en faire un film. 
La salle de montage à Joinville est une sorte de caverne, on y vit dans le noir ou la pénombre, pour le film et par le film. Le dehors n’existe pas. C’est l’antre du cinéma. Sans hors champ. Ça fume beaucoup, ça rit et ça rêve, et le film peu à peu trouve sa langue propre. Christine Pas­cal est radieuse, elle rit, elle rit, son rire est à répétition, elle charme et l’actrice transparaît souvent derrière la réalisatrice. Elle est d’une beauté stupéfiante. Moment magique : un matin elle arrive à la salle de montage fati­guée car elle n’a pas beaucoup dormi de la nuit. Tandis que Jacques Comets se met à sa table de montage, elle s’allonge sur un lit de camp et s’endort. C’est un moment absolument bouleversant, d’abandon total (le film peut se faire sans elle, il est dans de bonnes mains). 
Adultère, mode d’emploi parlait du sexe et ce de manière osée. Au cours du montage, Christine Pascal s’amuse de l’avoir fait, et en même temps, on sent qu’elle en a peur. Jusqu’où aller, que peut-on montrer et que ne peut-on pas montrer ? Et les acteurs, comment les amener à faire des choses qu’ils n’osent pas faire ? C’est aussi pour cela qu’elle s’endort, qu’elle se retranche durant un moment du montage et du monde des adultes. Mutine et rieuse, adorable d’intelligence et de sincérité, on a du mal à croire qu’elle n’a plus que quelques mois à vivre. 
–Serge Toubiana (blog, 13 octobre 2012) 

 

Following a film in the editing phase – that very special moment of writing when the film slowly finds its form, its rhythm, its music, is subject to discussion and emerges from limbo. In 1994, editing still involved celluloid film, before the advent of Avid or, in other words, digital editing. Jacques Comets appears in every shot, at the editing table, joyful and full of humour, happy to be working in total complicity with Christine Pascal. Annette Dutertre is his assistant editor. They playfully decided to film themselves, without this causing any change in their attitudes and gestures. For many years, these images remained in a box, until Annette Dutertre decided to turn them into a film. 
The editing room at Joinville is a sort of cavern, you live in darkness or semi-darkness for the film and because of it. The outside world ceases to exist. It is the cinema’s bur­row. With no offscreen. There is a lot of smoking, laughter and dreaming, and little by little the film finds its own language. Christine Pascal is radiant, she laughs and laughs, her laughter is endless, she charms and the actress in her often shows through the film director. She is stunningly beautiful. A magical moment: one morning, she arrives at the editing room exhausted after a sleepless night. As Jacques Comets sits down at the editing table, she lies down on a camp bed and falls asleep. A deeply moving moment, of total abandonment (the film can be made without her, it is in good hands). 
Adultery, a User’s Guide talks about sex, and daringly so. During the editing, Christine Pascal revels in having made it but, at the same time, we feel that she is scared. How far can she go, what can be shown and what cannot be shown? How can the actors be led to do things that they don’t dare? This is also why she falls asleep, withdraws from a moment of editing and the adult world. Rebellious and full of laughter, adorable in her intelligence and sin­cerity, it is hard to believe that she only has a few months of life left to live. 
–Serge Toubiana (blog, 13 octobre 2012)