Campo
De Tiago HespanhaDocumentaire, Portugal, VOSTF, 2018, 108 min, Cinéma Numérique 2K
Au premier abord, la base militaire portugaise d’Alcochete apparaît paradoxalement comme un lieu de vie. Puisque des coups peuvent y être tirés, les humains n’occupent ce vaste terrain que dans des conditions très réglées, et la vie sauvage a donc tout le loisir d’y proliférer. Si des hommes en uniforme y effectuent d’étranges rituels, on y élève aussi des abeilles et des moutons, y observe le ciel, y entend mieux qu’ailleurs les orages. S’élevant au-dessus de ce lieu bien particulier, une voix quasi-céleste en ponctue la découverte, contant le destin de l’humanité depuis l’heure de sa création par des dieux en mal de divertissement. Lorsque la voix évoque le moment où les êtres humains se mirent à raconter des histoires, puis à ne plus savoir distinguer les faits de la fiction, la nature du film elle-même se trouve mise en question – il est effectivement difficile de distinguer les entraînements des soldats de scènes qui seraient jouées spécifiquement à l’intention d’une équipe de tournage. Répondant par son ampleur au sens de la démesure des êtres humains, Campo ose toucher aux plus grandes questions – l’origine, la fin, et surtout, le sens, comme dans cette scène où un amateur d’astronomie manifestement spinoziste affirme que « la seule chose qui nous distingue d’une pierre, c’est notre mobilité ». Mais les pierres mobiles que nous sommes ne cessent d’être attirées vers le lointain, et la guerre est peut-être le plus parfait symptôme d’un esprit de conquête finalement mortifère.
–Olivia Cooper-Hadjian
At first sight, the Portuguese military base of Alcochete seems paradoxically like a place of life. Given that shots can be fired there, humans occupy this land only under strictly controlled conditions, giving wildlife free reign to proliferate. While uniformed men perform strange rituals, people also raise bees and sheep, observe the sky, hear storms more keenly than elsewhere. High above this very special place, an almost celestial voice punctuates our discovery of it, recounting the destiny of humanity from the hour it was created by gods in need of entertainment. When the voice evokes the moment that humans began to tell stories, then were no longer able to distinguish fact from fiction, the nature of the film is called into question – it is hard to distinguish between the soldiers’ training exercises and the scenes specifically enacted for a film crew. On a scale that echoes human beings’ sense of immoderation, Campo dares to touch on the deepest questions – the origin, the end and, above all, meaning, as in the scene where a clearly Spinozian amateur astronomer asserts that “the only thing that distinguishes us from a stone, is our mobility”. But the mobile stones that we are never cease to be attracted by distant horizons, and war may be the most perfect symptom of a spirit of conquest that ultimately proves to be deadly.
–Olivia Cooper-Hadjian