Parsi + Diz a ela que me viu chorar
Diz a ela que me viu chorar
Documentaire | Brésil | VOSTA | 2018 | 81 min | Cinéma Numérique 2K
de Maíra Bühler
L’Hôtel Parque Dom Pedro, au centre de Sao Paulo, héberge des centaines de personnes venant de la rue, souvent atteintes par des problèmes de drogues, issues des communautés les plus défavorisées du pays. Si un passé douloureux se glisse dans les conversations et charge les gestuelles et les regards de ses habitants, c’est tout autre chose qui se joue dans ce lieu. En délaissant la violence qui imprègne le moindre recoin, c’est la tendresse qui guide la cinéaste et fait vriller ceux qu’elle rencontre. D’une chambre à l’autre, les couples se font, se défont et s’arrachent. Dans un huis clos parfois éprouvant, la caméra de Maíra Bühler circule entre les chambres et se saisit d’une intimité offerte par les portes entrouvertes ou planquée dans les cages d’escaliers. La fragilité qui s’exprime est celle de la dépendance des uns aux autres. Ce qui ravage, c’est la peur de la solitude et les amours tumultueuses. Le bâtiment accueille un trafic d’émotions épileptiques. Sur le toit, loin de la rue qui les a fait morfler, peuvent, éloignés de ses vices, chanter en choeur ceux qui la surplombent. Plus bas, complètement possédé, un homme hurle son amour brûlant à une femme lors d’un appel téléphonique hallucinant. Dans la chambre d’à côté, un autre entonne un chant d’amour. Plus loin encore, une femme attend, seule dans un dortoir déserté, que celle qu’elle aime revienne. Le film réveille des liens et révèle un groupe rattaché à un abri fragile où les sentiments se tiennent chaud.
–Clémence Arrivé
Parque Dom Pedro hotel in the centre of São Paulo lodges hundreds of street people, who often suffer from drug problems and come from the country’s most disadvantaged communities, While a painful past slips into conversations and weighs on the residents’ gestures and looks, something else entirely is being played out in this place. Setting aside the violence that pervades each nook and cranny, the filmmaker is guided by a tenderness that sends those she meets beserk. From room to room, couples come together, come undone, tear each other apart. In a sometimes gruelling huis clos, Maíra Bühler’s camera wanders between rooms and captures an intimacy seen through half-open doors or hidden in the stairwells. The fragility expressed is that of depending on one another. What is devastating is the fear of loneliness and the stormy love affairs. The building accommodates a constant bustle of epileptic emotions. On the roof, far from the street that harmed them, far from its vices, those who look down from above can sing together. Lower down, a totally possessed man yells out his burning love to a woman in a mind-bending phone call. In the room next door, another strikes up a love song. Further down, a woman waits alone in a deserted dormitory for her beloved to return. The film awakens ties and reveals a group attached to a fragile shelter where emotions keep each other warm.
–Clémence Arrivé
Parsi
Documentaire | Argentine, Suisse, Guinée-Bissau | VOSTA | 2018 | 22 min | Cinéma Numérique 2K
de Eduardo Williams, Mariano Blatt
Traduit en créole bissau-guinéen, « parece » donne « parsi ». Imaginé à partir du poème cumulatif de son compatriote Mariano Blatt, dont tous les vers commencent par un « parece que » (on dirait, il semble que), le film d’Eduardo Williams en saisit la force d’incitation – littéralement, faire se hâter. Ici un amoncellement d’impressions et d’idées, là, des images qui s’entrechoquent et tournoient à une vitesse étourdissante. Entre elles, aucun rapport d’illustration : Williams tourne loin d’Argentine et des choses familières, intimes, politiques que Blatt désigne, dans une Guinée Bissau qu’il ne connaît pas a priori mais qu’un film lui donne l’occasion d’explorer. Cette indétermination essentielle commande d’étendre en retour un rapport fluide de complicité et de sympathie à toutes les personnes impliquées dans la fabrication. Lu off, le texte de Blatt imprime sa précipitation à des plans tournés par les acteurs mêmes qui, comme dans les autres films de Williams, déambulent dans leurs quartiers par tous moyens de locomotion à un rythme de plus en plus effréné, manipulant eux-mêmes la caméra dans un circuit réservant mille surprises. Parsi pourrait qualifier l’étonnement que chaque film de Williams suscite : le spectacle d’une constante ébullition d’idées, l’expérience d’une joie simple devant un monde qui s’offre à nous sous une apparence nouvelle, d’un rapport primitif au cinéma où vibre une interrogation quant à la manière dont tout cela a été filmé.
–Antoine Thirion
Translated into Guinea-Bissau creole “parece” (“it seems”) gives “parsi”. Invented on the basis of a cumulative poem by his compatriot, Mariano Blatt, whose lines all begin with “parece que”, Eduardo Williams’ film captures the poem’s driving force – literally, driven to haste. Here is a piling-up of impressions and ideas, images that collide and spin at a staggering speed. With no illustrative relationship interconnecting them: Williams films far from Argentina, he films the familiar, intimate and political things that Blatt points to, in a Guinea-Bissau previously unknown to him but which the film allows him to explore. This fundamental indetermination requires in return that a fluid complicity and empathy be extended to all those involved in making the film. Read in voice-over, Blatt’s text imprints its haste on the shots filmed by the actors. As in Williams’ other films, they wander around their neighbourhoods at an increasingly frantic pace using all means of locomotion, handling the camera themselves in a circuit that holds a thousand surprises. “Parsi “ could describe the astonishment that each of Williams’ films incites: the spectacle of constantly bubbling ideas, the experience of simple joy in the face of a world that offers itself up in a new light and a primitive relationship to cinema where the question resonates: how all this has been filmed.
–Antoine Thirion