Samedi 15 septembre 2018 à 21h15

Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée…

De Uli Edel
Séance spéciale / Présentation de Gaspar Noé

(Christiane F. - Wir Kinder vom Bahnhof Zoo), Avec, Natja Brunckhorst, Thomas Haustein, Jens Kuphal, Fiction, Allemagne, vostf, 1981, 138 min, Couleur

 « De la pisse et de la merde, partout ! » Ainsi débute la vie de cette adolescente, plongée dans l’enfer de la drogue et de la prostitution, dans le Berlin de la fin des années 1970.

Huit ans avant de réussir le pari impossible d’adapter le roman d’Hubert Selby Jr. sur grand écran (Dernière sortie pour Brooklyn), Uli Edel s’attaquait au best-seller de Kai Hermann et Horst Rieck. Le portrait d’un Berlin marginal, interprété avec une justesse désarmante par Natja Brunckhorst (croisée ensuite dans Querelle de Fassbinder), et qui bénéficie d’une participation de David Bowie dans son propre rôle le temps d’une scène-clé. Addictif et culte !

 

Gaspar Noé : « Il y a des films mythiques que tout le monde connaît de nom, mais que seuls quelques rares élus ont vus : Moi, Christiane F... est de ceux-là. Adaptation de la biographie d’une adolescente toxicomane berlinoise, ce fabuleux mélodrame avait marqué son temps et connu un grand succès commercial partout sur la planète. Presque disparu depuis pour des raisons de droits commerciaux, il reste la référence ultime pour ce qui est de la représentation de la déchéance existentielle induite par les paradis artificiels de la piquouze. En le voyant, on peut penser à More, à Requiem for a Dream, à Panique à Needle Park, à des films de Fassbinder ou de Larry Clark. Or le film d’Uli Edel a en plus cette beauté qu’il s’agit d’une des plus belles transpositions à l’écran de « l’amour fou » sans réserves (dans ce cas entre des êtres sortant à peine de l’enfance), mais aussi d’un beau document, qui est un peu au Berlin emmuré et déglingué des années 70/80 ce que sont à New York des films comme Midnight Cowboy et Taxi Driver. Déchirant, de par les événements réels décrits et le jeu sans faille des adolescents, ce film serait impossible à tourner dans le monde d’aujourd’hui, tellement plus prude et moralisateur. La réalisation est admirable de justesse et de puissance, et c’est ce film-ci qui m’a servi de référence visuelle principale auprès de mes chef opérateur, chef décorateur et chef costumier lors du tournage très rapide de Climax. Je leur ai dit : « Je veux que mon film soit aussi multi-coloré que dans Christiane F., mais surtout qu’on y sente cette saleté omniprésente, que les lumières soient tout aussi glauques, les murs tout aussi sales et les jolis vêtements tout aussi déchirés. »