Dimanche 17 mars 2019 à 15h30

La Fabrique du Conte d'été

De Jean-André Fieschi , Françoise Etchegaray
Fabriquer le cinéma

Documentaire, France, VOF, 1996, 93 min, Apple ProRes

Sur la plage de Dinard un dimanche, en plein juillet. Dans la torpeur ordinaire, un groupe de jeunes gens et de jeunes filles s’affaire énergiquement. Leur activité est de celles qui attirent généralement les regards. Mais personne ne semble leur prêter attention. On voit bien que ce sont des amateurs, diagnostiquera même un spé­cialiste, au passage. Ces jeunes gens sont flanqués d’un étrange intervenant, nettement plus âgé mais toujours en alerte ou en action. Nosferatu à la plage ? Il est protégé du soleil par d’ingénieuses constructions de tulle ou de paille, et il veille à tout : c’est lui qui actionne la claquette d’annonce à chaque plan. On le voit régir avec efficience la circulation, écarter le flot des passants à l’avancée de la caméra. Aussi retirer alertement du champ une poubelle fâcheusement disposée, ou récurer promptement la plage de Saint-Lunaire à marée basse avant la prise. Ou encore passer de la crème solaire dans le dos de la jeune actrice. Il ne hausse jamais le ton, semble parfois très hésitant. Mais sa rapidité de déci­sion peut aussi s’avérer foudroyante. Aucune posture de maîtrise dans tout cela, bien au contraire. Aucun cinéma. (Mais on verra que tout se tient, dans cette éco­nomie.) Personne sans doute parmi les estivants inat­tentifs ne soupçonne que l’un des cinéastes les plus admirés, les plus célébrés, les plus commentés au monde, l’un des plus jeunes aussi, opère devant ses yeux distraits. Transparent, invisible. La Fabrique du Conte d’été est un voyage dans le film et dans ce qui tisse le film à la robe sans couture de la réalité, selon la formule canonique, mais toujours fraîche, de Saint-Bazin de Nogent.
Qu’est-ce que la mise en scène ? 
–Jean-André Fieschi 

 

On Dinard beach, one Sunday in the heat of July. In the usual summer torpor, a group of young men and women are bustling with activity. What they are doing normally catches the eye, but no-one seems to be paying them any attention. They are obviously amateurs, as one expert passer-by will diagnose. These young people are flanked by a curious participant, clearly much older, yet always alert or active. Nosferatu at the beach? He is shaded from the sun by some ingenious tulle or straw contraptions and is surveying everything: it is he who operates the clap before each shot, manages the flow of people and keeps passersby away from the camera as it advances. He spryly removes an ill-placed waste bin from out of the camera field, and promptly scours the Saint-Lunaire beach at low tide just before the shoot. Or again, there is he rubbing sun lotion onto a young actress’s back. He ne­ver raises his voice, sometimes seems very hesitant. Yet, the speed of his decisions can be stunning. No pretence of total control in all that, quite the contrary. No cinema. (But one will discover that everything hangs together in this economy). Doubtless, none of the inattentive holiday­makers suspects that, under their distracted gaze, one of the most admired, the most famous, the most internatio­nally reviewed and also one of the «youngest» filmmakers is at work. Transparent, invisible. La Fabrique du Conte d’été is a journey into film and what a film weaves for «reality’s seamless robe», to quote the canonical, yet ever fresh formula of Saint-Bazin of Nogent. What indeed is mise en scène? 
–Jean-André Fieschi