Samedi 23 mars 2019 à 20h00

Burden of Dreams

De Les Blank
Fabriquer le cinéma

Documentaire, Etats-Unis, VOA, 1982, 92 min, Cinéma Numérique 2K

Les Blank s’est fait connaître en s’affirmant comme le cinéaste par excellence des chanteurs de blues, de la musique populaire (qu’il s’agisse du tex-mex ou de la polka) et de la cuisine populaire (Garlic is As Good As Ten Mothers). Lorsqu’il avait réalisé Werner Herzog Eats His Shoe, ses intérêts culinaires avaient rencontrés les intérêts moraux et spirituels d’Herzog (assumer les conséquences d’un pari). Plus récemment, il s’est fait une place dans un autre genre, d’abord en réalisant Poto and Cabengo avec Gorin, puis, avec Burden of Dreams, en revenant aux activités spirituelles d’Herzog. Ce documentaire porte sur le tournage de Fitzcarraldo : il aborde ainsi deux rêves devenus réalité en dépit d’énormes obstacles. En effet, le projet d’Herzog était de filmer, en remontant l’Amazone, une oeuvre d’art por­tant sur le projet de Fitzcarraldo – qui était de bâtir, après avoir remonté l’Amazone, l’opéra dont il rêvait. 

Ce documentaire devient peu à peu un film sur Herzog réalisant un film (et les difficultés qu’il rencontre, bien qu’auto-imposées, n’en sont pas moins impressionnantes), pour finalement devenir un film sur deux cultures qui glissent l’une à côté de l’autre, s’utilisent l’une l’autre, mais sont incapables d’entrer en contact. En dehors du contraste entre autochtones et Euro­péens, différentes visions du monde se frôlent ici. 

Alors que les bulldozers poursuivent leur travail de façon erratique, on réalise que, pour pouvoir filmer le bateau de profil, il a fallu qu’Herzog défriche bien plus d’arbres que ce qui était nécessaire pour tirer le bateau à vapeur – comme si voir, c’était détruire. En fait, le discours d’Herzog sur la jungle est bien plus éloquent – et dérangeant – que les plans grandioses de Fitzcarraldo. De sa voix merveilleusement triste et sérieuse, il nous avoue sa terreur philosophique face à la jungle dans toute sa profusion et sa voracité : « c’est l’harmonie du meurtre le plus accompli, le plus écrasant ». À un moment, Blank repère avec sa caméra (ou bien lors du montage) une fourmi s’évertuant à tirer une énorme plume rouge. Mise en valeur de la sorte, elle devient une métaphore pour… quoi, au juste ? Herzog tirant son bateau à vapeur ? Présentant fièrement son film ? 
–Raymond Durgnat, Wellington Film Society 

 

Les Blank has made a name for himself as the cineaste par excellence of blues singers, folk music from Tex-Mex to polkas, and folk cuisine (Garlic Is As Good As Ten Mothers). When he filmed Werner Herzog Eats His Shoe, his culinary interests met Herzog’s moral-spiritual ones (honoring a bet). And he’s been easing over into ano­ther bracket, first shooting Poto and Cabengo with Gorin, and, with Burden of Dreams, returning to Herzog’s spi­ritual activities. Its a documentary of Herzog shooting Fitzcarraldo and its subject is a double dream coming true against all the odds. Herzog’s vision is of shooting, up the jungle river, a work of art about Fitzcarraldo’s vision, of staging, up the jungle river, the operas he loves. 
Gradually a film about Herzog making the film (against difficulties no less impressive for being self-imposed) shades over into being a film about two cultures sliding past one another, using one another, but unable to make contact. Apart from the contrast between native and Europeans, many other visions shuffle and rub past one another. 
As Herzog’s bulldozers work (erratically) away, you realize that to shoot the steamboat in profile, he had to clear a much wider area of jungle than was needed to haul the steamboat. It’s as if to see is to destroy. Actually, Herzog’s talk about the jungle is much more uncomfortable, and persuasive, than the visual grandeur of Fitzcarraldo. In his beautifully sad, serious voice he confesses his philo­sophical terror at the jungle’s fecundity and rapacity: ‘it’s the harmony of perfected and overwhelming murder’. And Blank’s camera (or editing-bench) spots an ant toiling under an enormous red feather. Emphasized like this it becomes a metaphor for – well, one hardly knows what for: Herzog hauling his steamboat ? flaunting his film? 
–Raymond Durgnat, Wellington Film Society