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En juin et juillet
Loin d’être un bilan, ce dernier mois sera politique et éclectique. Le cinéma des genres, du kung-fu sous toutes ses coutures aux films de catégorie 3 (interdits aux moins de 18 ans), y est à l’honneur. En dépit de la censure, le cinéma hongkongais contemporain sous surveillance se veut social et politique à sa manière.
Une semaine avec Christophe Gans
Passionné de pop culture, de jeux vidéo et de cinéma de genre, le cinéaste Christophe Gans est de ceux qui firent découvrir le cinéma hongkongais en France (HK Magazine et HK vidéo). De La 36e Chambre de Shaolin au tout récent Limbo, pour conclure par la projection exceptionnelle du film indien oscarisé RRR ainsi que celle de ses propres films (Crying Freeman, Le Pacte des loups), sa carte blanche témoigne des réseaux d’influence entre Hong Kong et le cinéma mondial.
Kung-food et autres festins hongkongais
Afin de redynamiser un genre en perte de vitesse, une série de sous-genres du kung-fu a vu le jour dans les années 1970. De la kung-fu comédie au kung-fu conjugal (génial Shaolin contre Ninja), tout semble possible. Et pourquoi pas le kung-food ? Lors d’une conférence et d’un atelier, la chercheuse Térésa Faucon opère ce rapprochement fructueux entre chorégraphie des gestes culinaires et art martial. Une fusion réalisée par Tsui Hark dans son réjouissant Festin chinois, tandis que Fruit Chan fait rimer raviolis avec horreur dans Nouvelle cuisine.
Et maintenant, quel cinéma ?
Avec l’adoption de l’article 23 en mars dernier, qui complète la loi de Sécurité nationale promulguée en 2020, l’étau se resserre à Hong Kong. Dans ce contexte, quel avenir pour le cinéma? Si l’âge d’or des films de genre semble révolu, il existe de jeunes cinéastes qui filment Hong Kong aujourd’hui. Tous inédits en France, ces films sont des portraits intimes, très ancrés dans la ville, qui capturent et gardent la trace de lieux menacés de disparition. De la gentrification de Kowloon (The Way We Keep Dancing) à la comédie romantique ultra-connectée Far Far Away, en passant par le mélo social The Sunny Side of the Street, ces films nous font voyager dans Hong Kong au plus près de ceux et celles qui l’habitent.
En mai
La rétrocession en marche
1984. Les premiers ministres de la République populaire de Chine et du Royaume-Uni, Zhao Ziyang et Margaret Thatcher, se retrouvent à Pékin pour la signature du traité encadrant le processus de rétrocession de Hong Kong. Le compte à rebours fatidique vers 1997 et la perspective du désastre économique, social et politique à venir, nourriront tout un pan du cinéma hongkongais, du Chinese Box de Wayne Wang (1997) au Made in Hong Kong de Fruit Chan (1997). L’année 1984 est aussi choisie par le programmateur hongkongais Clarence Tsui pour une carte blanche sur ce moment charnière.
Du kung-fu…
Le cinéma de Hong Kong s’est fait connaître dans le monde entier grâce à ses films d’arts martiaux qui trouvent leur origine dans la tradition de l’opéra chinois. Les journalistes et auteurs François et Max Armanet le font connaître à partir de 1981 par leurs articles dans Libération avec le soutien de Serge Daney. Ils présentent leur documentaire Kung Fu, cinéma de Hong Kong et sélectionnent des chefs-d’œuvre de Chang Cheh (La Rage du tigre, 1971) ou de Liu Chia-liang (La 36e Chambre de Shaolin, 1978). Les films de sabre, appelés « wu xia pian », sont alors au plus haut de leur renommée.
… au polar
À partir des années 1980, sous l'influence de personnalités telles que Jackie Chan, le polar prend peu à peu le pas sur le kung-fu. Parmi les raretés programmées : Cops and Robbers d’Alex Cheung et l’électrisant Long Arm of the Law de Johnny Mak.
En avril
Hong Kong, la ville et ses fantômes
Hong Kong fait partie de ces villes dont la forme et l’histoire se sont construites au fil des guerres ou des dominations successives. Entre l’Empire chinois, la colonisation britannique, l’occupation japonaise et la rétrocession à la Chine, c’est une région à la croisée des langues et des cultures, autant qu’un carrefour économique stratégique. La question est donc double : comment les arts, et en particulier le cinéma, s’y sont-ils développés à travers les époques et quel imaginaire la ville a-t-elle suscité à travers le monde ? Question à laquelle il nous faut répondre en faisant dialoguer la ville réelle et la ville fantasmée.
Une histoire de cinéma riche et variée
L’histoire du cinéma hongkongais débute avec l’invention du cinématographe lui-même. À peu de choses près. Les relations avec Shanghaï sont essentielles et méritent qu’on s’y attarde, ne serait-ce que parce que certains tournages y ont été délocalisés. Cet âge classique a produit bien des chefs-d’œuvre méconnus. Le cinéma de genre a structuré l’économie du cinéma hongkongais, notamment à travers les grands studios, dont la Shaw Brothers est le plus emblématique. Durant plusieurs décennies, la firme familiale a produit des comédies musicales, des fresques historiques, jusqu’à son âge d’or des années 1960-1970 où le wu xia pian devient sa marque de fabrique, avec des acteurs stars (David Chang, Ti Lung) et des réalisateurs qui forgent le style du film d’action hongkongais (Chang Cheh, dont John Woo fut l’assistant). Une nouvelle vague arrive dans les années 1980, qui signe la fin du studio, et voit naître les auteurs majeurs du cinéma d’action, dont l’inventivité folle sera pillée par les cinéastes américains, à commencer par Tarantino (pensons à Tsui Hark, Johnnie To, John Woo, Ringo Lam, etc.). Enfin, Wong Kar-wai, dans les années 1990, symbolise la mélancolie formelle de la rétrocession en 1997.
Un canon de la pop culture
Ce cinéma de genre est l’une des sources principales de la culture populaire, un maelstrom de figures et de motifs, au point d’avoir constitué l’un des canons de la pop culture. Le jeu vidéo a largement exploré cette nouvelle grammaire apportée par un cinéma aussi violent et érotique que spectaculaire et expérimental. Côté bande dessinée, il y a toute la tradition du manhua, inspirée de la tradition chinoise, tout comme des mangas et des comics. Des arts qui ne manquent pas de verser dans la subversion politique, au gré des dogmes de la censure. Ajoutons que les stars du cinéma hongkongais, à commencer par Bruce Lee, sont devenu·es des icônes de l’imaginaire collectif, dont nous revisitons l’influence singulière.