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    Intégrale Jan Švankmajer
    Intégrale Jan Švankmajer © Athenor
    du 26 au 31 OCTOBRE 2010

    Intégrale Jan Švankmajer

    du 26 au 31 octobre 2010

    Volet d’une création polymorphe sarcastique, dérangeante, inventive, intransigeante, l’oeuvre filmique de Jan Švankmajer et d’Eva Švankmajerova – représentants majeurs du cinéma tchèque d’aujourd’hui – vaut d’abord pour sa fécondité disséminatrice, sa férocité et sa capacité à subvertir les codes de représentation cinématographiques. Sa diffusion rétrospective complète (1964 - 2010), pour la première fois en France et en présence du réalisateur, constitue un événement exceptionnel. 

    L’oeuvre cinématographique des Švankmajer, impure dans son rapport au cinéma d’animation, nous installe d’emblée sur le pointillé d’une frontière sinueuse, instable et métamorphique, peu propice aux tentatives de classification et de découpage. Son hybridation perpétuelle (animation, prise de vue réelle, truquages divers) est à l’image de l’ambiguïté du réel qu’elle évoque et de la posture critique qu’elle revendique. Ce caractère de l’oeuvre fait de tout le corpus filmique une expérience singulière d’appréhension du monde. 

     

    L’étrangeté familière un peu mystificatrice des films de Jan Švankmajer nous introduit dans un cinéma hanté de multiples façons : par la présence essentielle de la figure d’Arcimboldo et par une conviction alchimiste à la propension cannibale ; par le siècle baroque et maniériste de Rodolphe 1er ; par l’aura des “Fantasmagories” de Robertson et par Le Château d’Otrante de Horace Walpole, archétype du roman noir et gothique ; par les marionnettes et les inventions composites de la Laterna Magika de Prague ; par la figure faustienne qu’il y croise en 1958 sous les traits de Johanes docteur Faust, film d’Emil Radok, dont il fait la connaissance ; par une expérience cinématographique irrévérencieuse (de Luis Buñuel à Charley Bowers ou à Walerian Borowczyk) et par son adhésion au mouvement surréaliste ; par la présence dominante de la figure du désir. 

     

    Parmi les films de la rétrospective, La Fabrique de petits cercueils (1966) est probablement un condensé de ces attirances magnétiques, l’amorce du rôle de dissident surréaliste, et l’annonce de l’évolution future… “Mon rêve, disait Švankmajer en 1999, serait de prendre un jour tous mes films […], puis de les regrouper dans un film de plusieurs heures, afin de suivre comment reviennent des personnages particuliers, des milieux, des motifs et de voir comment cela forme une unité de création, de pensée, d’observation.” 

     

    Rêve approché par cette programmation, constituée, à la manière du jeu surréaliste, à partir de différents thèmes de réflexion collective du groupe pragois (peur, morphologie mentale, humour, etc.). Nul doute que l’effet Švankmajer dans la cinématographie contemporaine – notamment dans celles de Tim Burton et des frères Quay – n’apparaisse en pleine lumière. Nul doute non plus que cette découverte condensée, lors des échanges et de la table ronde qui accompagnent cette rétrospective, n’enrichisse nos interprétations de cette filmographie immense, aux facettes multiples. À l’image du rayonnement d’une étoile lointaine, l’éclat réel de cette oeuvre inclassable, attentive à notre crise civilisationnelle, convaincue de la nécessité de l’avènement d’une liberté nouvelle, nous parviendra enfin. 

     

    Pascal Vimenet 

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