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    Cinéma ville - mai 2012

    Paris Mai

    “Quelques printemps” pourrait être, à la manière de Sempé, le sous-titre de la thématique des fi lms de cette sélection. Mai : mois du muguet, qui s’offre le 1er, se porte à la boutonnière en ce jour férié où l’on bat le pavé. Mai des changements, des “événements”, qui cette année s’ouvre sur des élections. CinéMa ville se met au diapason, avec des films qui questionnent le champ du politique.

    Certains mêlent presque incidemment la politique et la sphère privée, comme Mathieu Amalric qui, sous prétexte d’évoquer la parité en politique, met en scène dans La Chose publique un théâtre plus intime, celui d’une rupture. Frontière ténue entre soi et le monde, la question de la place des hommes et des femmes renvoie en miroir celle de son couple en crise, dont il fait un film dans le film… C’est une renaissance en revanche, dans laquelle la rencontre amoureuse prend sa part, que racontent deux films à la première personne, l’un de Dominique Cabrera, l’autre de Joseph Morder. Ces journaux filmés chroniquent en même temps que des fragments de vie quotidienne le contexte politique environnant – l’élection présidentielle de 1995 pour l’une, de 2002 pour le second – inscrivant profondément ces oeuvres intimes et leur matériau personnel dans une réalité collective. 

     

    D’élections, il est évidemment question dans le premier film de Depardon (50.81 %, plus tard rebaptisé Une partie de campagne), chargé en 1974 par Valéry Giscard d’Estaing de le suivre au cours de ses déplacements. Dans un style qui fera plus tard sa marque de fabrique, le cinéaste filme les discours et bains de foule, mais aussi la solitude du coureur de fond, tendu vers la victoire. Sept ans plus tard, c’est un autre candidat, pour le moins inattendu dans la course à l’Élysée, dont Romain Goupil filme la campagne : Coluche. “Accepterez-vous la rencontre avec Giscard ?”, lui lance un journaliste pendant sa conférence de presse. “Euh, à sa place, je me méfierais salement quand même. J’irais voir Madame Soleil. Et même, je m’installerais chez elle !” La rencontre n’aura pas lieu, et le 10 mai 1981 marque, avec la victoire de François Mitterrand, l’arrivée de la gauche au pouvoir. C’est le point de départ du film États d’âme, qui s’ouvre au soir des résultats, place de la Bastille, et brosse la chronique des premières années de ce mandat. Quelques années plus tard, c’est le dernier Mitterrand, d’après le livre éponyme de Georges-Marc Benamou, que filme Robert Guédiguian dans Le Promeneur du Champ de Mars, faisant jouer l’ancien Président au crépuscule de sa vie par l’extraordinaire Michel Bouquet. 

     

    Mais Paris mai, comme le chantait Nougaro, évoque évidemment un autre printemps, où l’on cherchait sous les pavés la plage et fl eurissait les murs de la ville de slogans libertaires. Ces Grands Soirs et petits matins, pour reprendre le titre de William Klein, sont à l’honneur de ce mois, à travers films de l’époque et de ses lendemains (de La Reprise du travail aux usines Wonder à l’An 01), reconstitutions (Les Amants réguliers, Milou en mai) ou encore cette drôle d’aventure d’aujourd’hui (Une pure coïncidence) menée par d’infatigables activistes toujours animés par l’esprit de mai 68. Cette année-là, la coïncidence du calendrier a été fatale au film de Charles Belmont : en avril 1968, quand L’Écume des jours apparaît à l’affiche, les premiers grondements des événements de mai se font déjà entendre. Très vite, les cinémas ferment. Le film est retiré, oublié, son réalisateur même préférant les barricades aux salles obscures. Seuls quelques rares spectateurs ont eu le temps de voir cette adaptation à la distribution éblouissante. Ce 15 mai 2012, date anniversaire de la disparition du cinéaste voici tout juste un an, est l’occasion de le découvrir, ainsi que trois autres de ses films.