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    Soul Kitchen : la gentrification peut-elle avoir du bon ?

    en partenariat avec Courrier International

    Bien avant The Cut, Fatih Akin a abordé dans Soul Kitchen un phénomène touchant la plupart des grandes villes européennes : l’appropriation des quartiers populaires par des classes plus aisées. Paris n’est pas épargné par cette tendance.


    Le poisson frit est-il rentable ?


    Soul Kitchen © Pyramide Distribution

    Une usine désaffectée du quartier industriel de Wilhelmsburg, à Hambourg, dans le Nord de l’Allemagne. À l’intérieur, quelques clients dinent dans ce qui semble être une cantine ou un restaurant. Dans leurs assiettes, des mets simples comme des schnitzels, du poisson frit ou de la salade de pomme de terre. Dehors, une enseigne lumineuse désuète trône sur la façade de l’établissement : Soul Kitchen, la cuisine de l’âme.
    C’est dans ce lieu que se passe presque toute l’action du film de Fatih Akin, Grand prix du Jury à la Mostra de Venise en 2009. Sous couvert d'une comédie légère, le réalisateur allemand nous livre un récit qui nous permet de comprendre, quartier par quartier, le processus de gentrification de la ville de Hambourg.

    Le restaurant Soul Kitchen va, au fil de l’intrigue, connaître un destin mouvementé. Ouvert par Zinos, l’affaire qui périclitait prend son envol lorsqu’il engage un nouveau chef. Celui-ci, s’il fait fuir les anciens clients, en ramène des nouveaux, plus branchés. Victime de son succès, Soul Kitchen est alors convoité par Thomas, un entrepreneur sans scrupules qui veut dénaturer le lieu pour le rendre plus rentable. Zinos va-t-il abandonner à Thomas son restaurant devenu tendance ?
    Soul Kitchen éclaire en fait un phénomène qui rencontre une contestation grandissante dans des villes aussi diverses que Berlin, Londres, Barcelone et donc Hambourg où, en décembre 2013, les habitants ont fermement manifesté pendant plus d'une semaine contre la violence et l'iniquité de celui-ci.
    La Ville Lumière est elle aussi touchée - dans "Paris Sans le peuple" (Ed. La Découverte, 2013), la sociologue Anne Clerval a ainsi décortiqué un processus qui conduit à l’expulsion des pauvres au-delà du périphérique.


    La fête, envers et contre tout !


    Soul Kitchen © Pyramide Distribution

    Dans son film, Fatih Akin est loin de présenter la gentrification du quartier de Wilhelmsburg comme un phénomène uniquement négatif. La revitalisation du quartier et de l’établissement, autrefois une ancienne usine abandonnée, est notable de bout en bout du film. L’amour d’une cuisine élaborée, l’esprit de fête et l’expression artistique, qui sont les leitmotivs de la bande de copains du Soul Kitchen, dynamisent un quartier socialement sclérosé par le chômage et en pleine reconversion, notamment depuis la mise en route en 2007 du chantier pharaonique du nouveau port de Hambourg, la HaffenCity.
    Fatih Akin met donc en scène une fable où la gentrification ne conduit pas inéluctablement à la destruction de l’âme - la "Soul" - du lieu. Car Zinos ne cèdera pas son restaurant et l’identité première du lieu, ouvrière et typiquement hambourgeoise, sera préservée.
    Toutefois, ces aspects positifs de l’aventure du Soul Kitchen sont-ils suffisants pour compenser l'expulsion probable des plus pauvres du quartier ?


    Hugo dos Santos, Courrier international