close
close
keyboard_arrow_left RETOUR
    Antichrist
    Antichrist © Collection Christophel
    du 29 FÉVRIER au 29 AVRIL 2012

    Mille et une forêts

    Du 1er mars au 29 avril 2012

    Motif incontournable des contes, la forêt pose de vraies questions de cinéma : à la frondaison des arbres, dans des jeux d’ombres et de lumière, le visible et l’invisible s’entrelacent et forment tour à tour un refuge rédempteur, un terrain à conquérir ou un labyrinthe hostile. Un cycle pour se mettre au vert qui va des ténèbres du Voyage au bout de l’enfer à la solaire Lady Chatterley. 

    “C’est que la lumière est à gagner, elle n’est pas ce qui fait voir, elle vient de loin, de derrière, elle est vue à travers la frondaison des arbres, ou l’étoupe d’une chevelure, elle tient en suspens l’opacité des corps, elle est d’abord un rapport au monde, un premier éblouissement qui revient chaque nuit éclairer nos rêves”, dit Philippe Grandrieux à propos de son film Sombre

    La forêt pose au cinéma de multiples questions. Et d’abord celle du clair et de l’obscur, du visible et de l’invisible. À l’ombre des feuillages, mise au défi , la vision du spectateur essaie de se frayer un chemin dans cet espace d’enfouissement qu’est la forêt. Par cette articulation permanente entre lumière et ténèbres, les films de forêt réfléchissent sur le coeur de leur dispositif : Comment donner à voir ? Comment faire advenir l’image ? 

     

    La carte et le territoire

    Se situer, se diriger, trouver sa place, tracer son chemin, autant de questions de mise en scène qui trouvent un parfait écho dans les récits situés dans les forêts. Il n’est pas étonnant que de nombreux films mettent en oeuvre une pensée de la cartographie. Il s’agit de baliser l’espace, d’en prendre la mesure, d’y poser des jalons. Tous derrière le Petit Poucet ? De Brigadoon à Dersou Ouzala ou Sauna, les personnages errent dans les bois et s’y retrouvent parfois justement en ayant perdu le Nord. Comment s’orienter, ordonner, se coordonner ? Des problématiques spatiales découlent aussi des interrogations philosophiques et politiques, les films de forêt questionnant en creux le contrat social. 

     

    Les règles du monde

    “Rétablissons les règles du monde” : errant dans la forêt énigmatique de Charisma de Kiyoshi Kurosawa, le commissaire Yabuike se trouve confronté à cette revendication. Loin du monde des hommes, la forêt devient le lieu où les cartes sont redistribuées. Dans Lady Chatterley de Pascale Ferran, les corps s’éveillent, les sens s’aiguisent, loin des contraintes sociales. Mais la forêt comme lieu de la transgression n’offre pas toujours un visage aussi épanoui. Dans Festen de T. Vintenberg, le fils qui veut briser le silence pour dire les secrets de famille est renvoyé violemment dans les bois, devenus lieu du bannissement.  

     

    Être au monde en le représentant ?

    Georges Bataille dit des animaux qu’ils sont comme “de l’eau dans de l’eau”. L’animal ne fait qu’un avec son environnement. Nous autres humains, animaux bien particuliers, jonglons avec les symboles, les récits et les contes. Dès lors, les films de forêt interrogent l’art même de raconter des histoires et explorent notre part animale, notre rapport à la nature, aux autres êtres vivants, et enfin au sacré. Sommes-nous des animaux comme les autres, dès lors que nous sommes dans la distanciation inhérente à la représentation ? Cette éternelle question de la nature versus la culture n’appelle pas une réponse simpliste, mais réarticulée, revisitée dans ces films, parfois juste au détour d’un plan délicieusement joyeux et malicieux, comme dans Worldy Desires d’A. Weerasethakul : ce “tigre”, apparu en arrièreplan dans la jungle, est-ce bien un tigre, ou juste une image de tigre imprimée sur un T-shirt ? Le jubilatoire Tonnerre sous les Tropiques de Ben Stiller, pastichant les films de guerre dans la jungle, le dit aussi : notre rapport au monde, à la nature, passe nécessairement par les images que nous avons vues et qui nous constituent. Après tout, comme déclare l’un des personnages de La Forêt oubliée de Kohei Oguri, “l’histoire est un véhicule, on monte et il ne nous reste plus qu’à vivre”. 

     

     

    La programmation de Mille et une forêts a été élaborée par Zeynep Jouvenaux, programmatrice du Forum des images. 

    Réagissez !