Presque un siècle
52 min l Cinéma Numérique 2K
de Pascale Bodet
Quiconque s’aventure à filmer les très vieux (la grand-mère de Pascale Bodet a 99 ans, presque un siècle) court le risque de voir l’oeil du spectateur ne retenir que le pittoresque du dernier âge. Pire: qu’on trouve le film « cocasse », « tendre », « touchant ». Si Presque un siècle est un film (très) drôle et (infiniment) émouvant, ce n’est pas tant, ou pas seulement, en raison de la drôlerie de ses personnages (Pierre, l’ami de la grand-mère, qui planifie son propre enterrement comme on organise un gala) ou de l’attention avec laquelle Pascale Bodet saisit les gestes endormis et le timbre vibrionnant d’une très vieille dame dont la vie se maintient sur un périmètre minuscule – petits efforts, petites plaintes, petits agacements. C’est parce qu’avec une innocence symétrique à celle de son personnage, il n’en finit pas de s’interroger autant sur ce grand âge que sur la possibilité même d’en faire un film. Cela commence avec les yeux et les oreilles, comme pour s’assurer qu’il y aura bien à voir et à entendre : la grand-mère s’inquiète pour les yeux de la petite-fille, et la cinéaste en retour l’implore de bien vouloir mettre à ses oreilles ses prothèses. Derrière la caméra, la cinéaste dit « mamie », mais c’est autant une parole de petite fille que de cinéaste aux prises avec son personnage et avec son film, tous trois mis à égalité jusqu’à la douce capitulation d’un « oui mamie » en parfait point final.
–Olivia Cooper-Hadjian
Anyone who ventures to film the very old (Pascale Bodet’s grandmother is 99, almost a century) runs the risk of seeing the spectator’s eye caught by the picturesque side of very old age. Worse still: the film is found to be “comical”, “tender”, “touching”. Although Presque un siècle is a (very) funny film and (infinitely) moving, its is not simply, or uniquely, due to the humorous side of its characters (Pierre, the grandmother’s friend, who plans his own funeral as if organising a gala) or to the attention with which Pascale Bodet films the sluggish movements and wavering timbre of a very old lady whose life holds on inside a tiny perimeter – small efforts, small complaints, small annoyances. It is also because, with an innocence symmetrical to with that of its character, the film constantly questions not only this great age but also the actual possibility of making it into a film. It begins with eyes and ears, as if to be assured that there will indeed be something to see and hear: the grandmother worries about her granddaughter’s eyes and the filmmaker, in turn, begs her to put in her hearing aid. Behind the camera, the filmmaker says “granny”, but this is as much a granddaughter’s expression as that of a filmmaker in contact with her character and her film – all three of them on equal footing until the gentle capitulation of a “yes, granny” comes as a perfect close.
–Jérôme Momcilovic