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    "Altérations / Kô Murobushi"
    "Altérations / Kô Murobushi" © D.R.
    • VEN 15 MARS 2019 À 21:00

    Altérations / Kô Murobushi + Dans l'œil du chien

    Sélection française

    Altérations / Kô Murobushi

    Documentaire l France l Vostf l 2019
    49 min l Cinéma Numérique 2K

    de Basile Doganis

    « Aucune origine, aucun but, nul départ, nulle arrivée, l’heure zéro du corps ». L’image frémissante du film de Basile Doganis accompagne le corps en feu de Kô Murobushi, danseur de butō japonais, pour une lente et longue danse en suspension. D’une image à l’autre, les lumières projetées sur son corps et les vibrations sonores envoûtantes donnent le sentiment d’une traversée se déroulant dans un entre-temps, à la limite entre la vie et la mort. Le corps nu, peint, masqué, terreux ou luisant, et en perpétuelle transformation, le danseur traverse le film où se succèdent et se confondent danses et matières. Entre ces mouvements se déroule un texte, celui du danseur lui-même, une percée dans son rapport à la danse et à la vie. Il y évoque Hijikata, pionnier du butō et professeur, dont les danses se reflètent sur le danseur. Leurs gestes alors se confondent et matérialisent la transmission. Murobushi est parfois une ombre, parfois une projection, présent, absent, il semble être comme au bord d’un gouffre, retenu par les images. Les cadres participent aux altérations du corps du danseur et à son lent réveil vers la mort jusqu’à le faire retrouver sa momie, ténébreuse compagne dont les membres finissent par remplacer ceux de Murobushi. Un film-danse pour accompagner la fin d’une vie et le renouvellement d’un corps - « rien avant rien après, danser ». –Clémence Arrivé

     

    “No origin, no purpose, no departure point, no arrival, the body’s zero hour”. The trembling image of Basile Doganis’ film accompanies the bur­ning body of Japanese butoh dancer Kô Murobushi during a long slow dance in suspension. From one image to another, the lights projected onto his body and the spellbinding sonic vibrations give the feeling of a cros­sing that unfolds in a suspended out-of-time moment, on the threshold between life and death. With his naked body, painted, masked, earthy or gleaming and in perpetual trans­formation, the dancer moves through the film where dance and matter fol­low on and combine. Between these movements, a text unfolds – a text by the dancer himself, an insight into his relationship to dance and life. He evokes Hijikata, a butoh pioneer and teacher, whose dances leave their trace on the dancer. Their gestures merge and give tangible form to transmission. 
    Murobushi is sometimes a shadow, sometimes a projection, present, absent, he seems to be on the edge of a gulf, held back by the images. The framings heighten the deterioration of the dancer’s body and his slow awakening towards death, until he meets his mummy, a dark companion whose limbs eventually replace Murobushi’s own. A dance-film to accompany the end of a life and the renewal of a body – “nothingness before, nothingness after, dancing”. 
    –Clémence Arrivé

    Dans l'œil du chien

    Documentaire l France, Belgique l VOF STA l 2019
    38 min l Cinéma Numérique 2K

    de Laure Portier

    La grand-mère, qu’un premier plan sans fard montre assise sur son canapé dans un ronron de frigo, voutée sous le regard têtu du film, chassant de rares mouches pour soulager le malaise que lui coûte la caméra, la grand-mère, donc, est malade. C’est une maladie qui lui mange le visage: comme si, petit à petit, elle s’effaçait. Et si la petitefille filme, c’est évidemment pour embaumer dans l’image la grandmère qui va mourir. Mais d’une façon qui donne l’impression que le film voudrait lutter contre la maladie à armes égales, en cannibale. C’est un portrait littéralement dévorant, qui va chercher au fond des draps et des pèlerines l’odeur chaude de la vie persistante, toucher par la main de la petite fille celle de la grand-mère à la peau quasi-translucide, regarder à s’user l’oeil le visage dont la blessure, à force de regard, s’oublie. Cette blessure est pour la cinéaste une question entêtante, et la mort à travers elle une énigme charnelle, dans laquelle il faut plonger les deux mains. C’est ce que dit, avec autant de brutalité que de noblesse, une scène admirable où Eustache revient deux fois (par la grand-mère, par le cochon), Eustache auquel on pense ici presque autant qu’à Pialat. Car tous deux savaient, comme le sait Laure Portier face à sa grand-mère, qu’il faut être cru pour aimer, et qu’on ne réussit un geste d’amour comme Dans l’oeil du chien qu’à la condition de ne pas retenir la cruauté de son regard. Prince, le chien, n’a pas cette chance: dans son oeil fidèle, la mort est la plus aveuglante des énigmes.
    –Jérôme Momcilovic

    The grandmother shown in the can­did opening shot is seated on her sofa to the humming of a refrigerator, hunched under the film’s obstinate gaze, swatting the odd fly to ease the discomfort caused by the camera. The grandmother is in fact ill. A disease is eating away her face as if she were gradually disappearing. And if the granddaughter is filming, it is clearly in order to embalm her dying grandmother in images. But the way she goes about it gives the impression that the film wants to fight the disease on equal terms, as a cannibal. This literally devouring portrait seeks the warm odour of per­sistent life under sheets and capes, uses the granddaughter’s hand to touch the grandmother’s hand and its almost translucid skin, relentlessly watches the face whose wound is for­gotten by dint of looking. For the filmmaker, this wound is a compel­ling question and, through it, death becomes a physical puzzle into which you need to plunge both hands. This is what is said, with as much bruta­lity as nobility, in an admirable scene twice revisited by Eustache (via the grandmother, via the pig), who comes to mind here almost as much as Pia­lat. Both of them knew, as does Laure Portier facing her grandmother, that you have to be raw to love, and a ges­ture of love like Dans l’oeil du chien can only succeed if the cruelty of one’s gaze is not restrained. Prince, the dog, is not as lucky: in his faithful eye, death is the most blinding of all puzzles.
    –Jérôme Momcilovic

    Sélection française

    Suivi d'un débat (20min)