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    Gerry
    Gerry © Collection Christophel
    du 09 JUIN au 01 AOÛT 2010

    A perte de vue

    Du 9 juin au 1er août 2010

    À perte de vue : l’expression renvoie à l’immensité, aux grands espaces où le regard se perd, aux horizons lointains… Pour accompagner les aspirations estivales vers la nature, aventurons-nous au coeur de paysages, ciels, mers, déserts, qui se déploient sur grand écran, rectangle magique ouvrant sur le monde du dehors.

    « Si vous n’aimez pas la mer
    si vous n’aimez pas la montagne
    si vous n’aimez pas la ville
    allez vous faire foutre ! » 

     

    On se souvient, dans A bout de souffle, de la fameuse apostrophe de Belmondo-Michel Poiccard quittant Paris au volant de sa voiture volée. Si l’on n’avait peur d’être d’emblée trop cavalier, le Forum des images pourrait la reprendre à son compte, car, outre la mer et la montagne, il sera beaucoup question de nature (et bien sûr pas de ville) dans le cycle « A perte de vue ».  

    Une nature grandiose, plus puissante que l’homme, où prédominent les éléments : la terre, l’eau, l’air (laissons le feu de côté) et leurs incarnations terrestres : le désert, la mer, le ciel et l’espace. 

    Une nature infinie, à contempler la main en visière au-dessus des yeux, essayant de distinguer au loin une présence humaine, une oasis, une bouée, un satellite ? 

     

    Du grand spectacle

    L’immensité donne à l’homme l’envie, le besoin de s’y mesurer. Nombre des films d’ « A perte de vue » sont du côté de l’aventure et de la conquête, montrant les espaces infinis comme un terrain de jeu à explorer, à dominer :  Seuls les anges ont des ailes et ses prouesses aéronautiques, l’épopée maritime au long cours de Master  Commander, La forteresse cachée, « western » japonais sur la fièvre de l’or tourné par Kurosawa. Le western, justement : idéal du film d’aventures, il est très présent dans le cycle, la conquête de l’ouest (ou plus prosaïquement d’un fils, d’une fille ou d’une prisonnière) s’incarnant dans une éprouvante traversée du désert (La fille du désert de Raoul Walsh, Le fils du désert et La prisonnière du désert de John Ford). Une partie des films est tournée en cinémascope, format idéal des grands espaces. Et pourtant, dit Fritz Lang (dans Le mépris, où il incarne son propre rôle et « le » metteur en scène absolu) : « Le cinémascope, ce n’est pas fait pour les hommes, c’est fait pour les serpents ou les enterrements.»  

     

    L’aventure intérieure

    Peut-être parce que, confronté à l’immensité des paysages, l’homme n’est qu’un minuscule point sur l’écran large. Cet espace sans limites, écrasant, presque angoissant, lui fait prendre conscience de sa finitude : certains films du programme ont une portée presque métaphysique, comme Solaris et 2001, l’odyssée de l’espace, où se mêlent exploration spatiale et interrogation sur l’origine de l’humanité. Plus question de conquête, mais une quête plus intime, des films « intérieurs » contrastant avec des extérieurs grandioses, des personnages comme absorbés dans (par ?) l’espace : le désarroi existentiel d’une femme filmée dans le désert (The misfits et La captive du désert), des couples en perte de repères égarés dans la Vallée de la mort (Zabriskie point et 29 palms). Les deux dimensions ne sont pas irréconciliables, et l’aventure intérieure peut revêtir les atours du grand spectacle et du cinémascope.
    Les espaces infinis dominent, mais l’homme se trouve toujours au cœur des films, ne serait-ce que par le regard porté « à perte de vue ». Lubitsch, autre « cinéaste absolu », disait : « Si vous savez filmer des montagnes, filmer de l’eau et du vent, vous saurez filmer des hommes ». 

     

     

    Don Pedro d’Alfaroubeira
    Courut le monde et l’admira 
    Il fit ce que je voudrais faire
    si j’avais quatre dromadaires 

     

    Un film de Chris Marker emprunte son titre à ce dernier vers d’Apollinaire … Ce rêve de voyage, d’expédition, d’exotisme, vient rappeler qu’à peine né, dans l’esprit même de ses inventeurs, le cinéma fut l’outil de la découverte des mondes lointains. Passé le déjeuner de bébé, la sortie des usines et l’arrivée du train, les frères Lumière, aussi bien qu’Edison, ont envoyé au quatre coins du monde des opérateurs, chargés de rapporter, précieux butin filmé, des images d’ailleurs ; comme le banquier Albert Kahn, enthousiasmé par le jeune cinématographe et bientôt engagé dans la constitution méthodique et passionnée de ses Archives de la planète. Une démarche philanthropique associée parfois à des intérêts commerciaux, quand les fourrures Revillon financent l’expédition de Robert Flaherty vers le grand Nord, ou lors des croisières Citroën à travers l’Afrique et l’Asie qui sont l’occasion de moisson d’images et d’impressions de voyage.   

     

    Tracer sa route

    Aller à la rencontre de paysages et modes de vie inconnus est toujours au cœur du cinéma : « Ne pas s’arrêter d’aller voir, puisque le cinéma c’est ça » disait le documentariste Robert Kramer.  

    Lui aura passé dix ans au loin, avant de faire de son retour un film itinérant (Route One USA), qui revisite par la route, la première route, l’histoire et la géographie de ce pays-continent, à perte de vue. Les cinéastes voyageurs sont à l’honneur de la deuxième partie du cycle, qu’ils aient gravi des montagnes, exploré les mers et les pôles ou comme Joris Ivens, au soir d’une vie à parcourir le monde, consacré un dernier film et dernier voyage à Une histoire de vent.  

     

    L'envie d'ailleurs

    Mais le cinéma de fiction n’est pas en reste pour autant, qui questionne lui aussi à travers personnages et paysages, le rapport de l’homme à l’espace et au temps. Les défricheurs de terres vierges ne manquent pas au cinéma : conquistadores illuminés (Aguirre), marcheurs suivant leur guide (Stalker) ou citadins en excursion (Delivrance), sans oublier les pionniers qui peuplent les westerns de légende et ceux qui leur ont succédé par-delà l’océan : ainsi Le Bon, la brute et le truand et son avatar coréen Le Bon, la brute et le cinglé (sic), tourné dans les plaines mandchoues, voisinent dans ce programme avec Du soleil pour les gueux où le Larzac se révèle magnifique plateau de cinéma, digne de la célèbre vallée des épopées fordiennes. 

    Le temps des pionniers est pourtant révolu ; les contours du monde sont désormais connus. Mais l’envie d’ailleurs est toujours là : île déserte comme Robinson ou vaste océan (A scene at the sea), campagne (le vent nous emportera) ou altitudes (La brèche de Roland), même si dans les films l’aventure est souvent solitaire et le désenchantement parfois au bout du voyage. Signe des temps, aux routards célestes des années 70 qui se grisaient de vitesse et de vent fait aujourd’hui écho un road movie en panne, Wendy et Lucy. En route vers l’Alaska, elles convoquent dans leur sillage tous ceux qui, chercheurs d’or ou d’idéal, de Jeremiah Johnson à Christopher McCandless (Into the Wild) ont un jour pris le même chemin. 

     

    Bibliographie

    Webographie

    Filmographie complète

    Filmographie complémentaire

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