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    Débat permanent
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    Connaissez-vous Cécilia ?

    Le cinéma au secours de l’économie

    Connaissez-vous Cécilia ? Cécilia, l’ex serveuse de la brasserie ? Non ? Vous devriez. Elle vous raconterait l’aventure extraordinaire qu’elle a vécue. Ça se passait dans les années 1930. Pour oublier la crise et son mari chômeur, elle s’est passionnée pour le cinéma. C’est là qu’elle a cherché un peu de réconfort quand, à son tour, elle a été licenciée. Et ce jour là, la fiction l’a rattrapée : un personnage du film, Tom Baxter, est sorti de l’écran, pour entrer dans sa vie !

     

    À l’image du scénario de La rose pourpre du Caire de Woody Allen, le cinéma a souvent envoyé ses personnages dans la réalité… y compris économique ! Loin du jargon et des équations, le grand écran fait œuvre utile en replongeant le petit monde de l’économie et de la finance dans les tensions de la société, les relations humaines, les rapports de pouvoir, bref dans l’économie telle qu’elle existe vraiment. Sans oublier d’ailleurs de se moquer des économistes, comme le fait Henri Verneuil en 1981 dans Mille milliards de dollars. Alors qu’un grand patron de multinationale demande au journaliste Paul Kerjean (Patrick Dewaere) s’il pense que les entreprises comme la sienne sont responsables du malheur de l’Europe, Kerjean répond : « ce sont les économistes qui disent ça. Mais ils le disent dans des livres tellement compliqués qu’ils ne sont lus que par d’autres économistes, ça ne va pas plus loin » !

    Pour aller plus loin, le cinéma est un outil utile même s’il n’est pas tendre. Le monde de l’entreprise ? Rien de mieux que la scène du conseil d’administration de Mille milliards de dollars pour comprendre les pratiques fiscales douteuses des multinationales ou The Company Men et Violence des échanges en milieu tempéré pour la logique financière des licenciements. Les conséquences de la souffrance au travail sont portées jusqu’au bout par De bon matin, celles du chômage de longue durée dans Le couperet et comment ne pas voir aussi dans la série Mad men une dénonciation de la condition féminine au travail ? De Princesse Mononoké à Avatar, on parle développement durable. Le pouvoir de la finance et de ses mécanismes de la spéculation ? La ruée donne les clés des crises bancaires, Le Sucre de la spéculation sur les marchés financiers tandis que Le président illustre le pouvoir des marchés et des marchands sur la politique et que Greed dénonce l’appât du gain comme source de violence, de folie et de mort. À cette dizaine de films il faudrait en ajouter bien d’autres…

    Le cinéma donne du souffle et de la passion et même de la drôlerie à la réflexion économique, cette « science lugubre » comme l’a baptisée l’historien Thomas Carlyle. Il raconte des histoires et fait œuvre de pédagogie. Le tout, sans indulgence : le septième art a toujours été un critique féroce du monde économique en général et de celui de la finance en particulier et de ses crises, évènements dramatiques s’il en est. Il a aussi su en faire des comédies. Les économistes devraient aller plus souvent au cinéma…

    Christian Chavagneux
    rédacteur en chef adjoint du magazine Alternatives économiques
    http://www.alternatives-economiques.fr/