close
close
keyboard_arrow_left RETOUR

    Cinéma ville - avril 2012

    Le Paris des photographes

    Image animée et image fixe, cinéma(tographe) et photo(graphie) : les disciplines sont différentes, mais les passerelles entre les 7e et 8e arts (étonnant d’ailleurs que la photo, dont l’invention est bien antérieure, vienne après le cinéma dans la classification des arts) sont nombreuses. En voici quelques exemples.

    Qui sait qu’Agnès Varda est titulaire d’un CAP de photographie ?  Ceux qui ont vu Les Plages d’Agnès, dernier long métrage de la “mamita punk” (surnom donné par ses petits-enfants), où elle évoque ses débuts de photographe au Festival d’Avignon du temps de Jean Vilar. Il en reste de merveilleuses photos de Gérard Philipe, saisi au naturel sur la scène ventée du palais des Papes, loin des poses figées des habituels clichés en studio de l’époque. L’oeuvre de celle qui est devenue la plus célèbre cinéaste française, par ailleurs collectionneuse de cartes postales anciennes, ne cesse depuis de croiser le chemin de la photo : comme portraitiste d’habitants de Noirmoutier, ou comme brillante analyste de l’image fixe dans un court métrage, Ulysse, où elle décrypte la photo d’un homme sur une plage (une des nombreuses “plages d’Agnès”). 

    D’autres photographes se sont aventurés sur le terrain du cinéma, mais le temps d’un essai, comme pour voir, tel Robert Doisneau, auteur méconnu d’un court métrage de fiction, Les Visiteurs du square. Henri Cartier-Bresson (dont on ne sait pas toujours qu’il fut assistant de Jean Renoir sur La vie est à nous, Partie de campagne ou La Règle du jeu) tourna plusieurs courts et moyens métrages documentaires, dont deux, Victoire de la vie et Espagne vivra, furent réalisés au moment de la guerre d’Espagne. Bien loin de la thématique parisienne qui nous occupe, ces films ne sont pas projetés dans ce Paris des photographes, qui évoque cependant le travail du maître de “l’instant décisif” (titre d’un de ses recueils de photos), à travers la passionnante série “Contacts” initiée par William Klein (autre grand photographe-cinéaste).

    À l’origine de certains films, une simple photographie : Un voyage de Rose montre les retrouvailles d’un photographe et de son modèle, Willy Ronis et Rose Zehner, plus de quarante ans après la prise de vues qui immortalisa l’ouvrière et syndicaliste un jour de grève en 1938 à l’usine Citroën. D’autres sont uniquement constitués d’images fixes, ce qui ne les empêche pas d’être “du cinéma” : La Jetée, court métrage mythique de Chris Marker, est un envoûtant voyage dans le temps, qui servit même de point de départ à L’Armée des douze singes, un long métrage de fiction plus classique. Ce genre n’est pas absent du programme : les héros en sont photographes (La Belle Vie, Le Mannequin de Belleville, Nos vies heureuses), une série de photos représente toutes les richesses du monde (dans une fameuse séquence des Carabiniers), une simple pellicule développée par hasard est l’instrument de la tragédie (La Peau douce). 

    Dans Ranger les photos, la cinéaste Dominique Cabrera s’interroge sur ces liens intimes entre photo et cinéma : “Ce que j’aime dans la photo, c’est que c’est doux et puis c’est violent, c’est quelque chose qui reste. Ça serre peut-être plus le coeur que le cinéma, la photographie. Il faudrait retrouver ça : du cinéma qui soit comme de la photographie, comme un jeu…”