close
close
keyboard_arrow_left RETOUR

    Ebola, les épidémies font-elles de nous des monstres ?

    en partenariat avec Courrier International

    Ebola a déjà fait plus de 5 000 victimes en Afrique de l’Ouest. Comment réagirions-nous si l'épidémie devenait incontrôlable et ravageait le monde ? En traitant les malades en ennemis, suppose Danny Boyle dans 28 jours plus tard.


    “J’ai regardé en bas. J’étais debout, au milieu de tous ces gens. Ca faisait comme un tapis, tous ces gens qui étaient tombés. Quelque part, au milieu de la foule, ils avaient été contaminés. Ca s’était répandu si vite ; et personne ne pouvait courir. Tout ce que l’on pouvait faire, c’était grimper, monter sur d’autres gens, et encore d’autres. C’est ce que j’ai fait, j’ai grimpé. Mais arrivé au sommet, on était incapable de dire qui était infecté et qui ne l’était pas.”


    28 jours plus tard de Danny Boyle

    Ce récit, c’est celui que fait l’un des premiers survivants que rencontre Jim, le héros de 28 jours plus tard. Dans ce film sorti en 2002, un virus échappé d’un laboratoire a ravagé la Grande-Bretagne. Vingt-huit jours après les premières contaminations, l’île n’est plus qu’une immensité désolée où errent quelques survivants se cachant des “contaminés”. Ces derniers sont des monstres enragés, aux yeux injectés de sang, qui ne survivent que dans un seul but : tuer.

    Au moment où Danny Boyle réalise son film, en 2002, il révolutionne l’idée que l’on se fait du zombie. Dans 28 jours plus tard, ils ne sont plus des êtres lents, abrutis par la société de consommation comme chez Romero, mais des monstres véloces et terriblement contagieux. Tant pis pour ceux qui succombent au virus ! Les “contaminés” ne sont pas considérés comme des malades, ils sont le danger, l’ennemi à abattre à tout prix, quel que soit l’âge ou le sexe.

     

     

    De la fiction ? Pas tant que ça ! L’épidémie de fièvre hémorragique qui sévit aujourd’hui voit les malades stigmatisés : ils sont dangereux, voire coupables. En Occident, où quelques rares cas ont été identifiés chez des médecins et des infirmières, ceux-ci ont vu leurs visages et leurs noms placardés à la une des tabloïds. On leur a reproché des erreurs de procédure ou de la désinvolture. On les questionne, on les traite comme des criminels, affirme même Kaci Hickox, cette infirmière américaine qui a été isolée de force alors qu’elle ne présente aucun symptôme.

    En Sierra Leone, au Libéria et en Guinée, où la maladie a déjà contaminé plus de 10 000 personnes, des quartiers entiers ont été mis en quarantaine, sous la bonne garde de l’armée. Des soulèvements se sont produits, alors qu’ailleurs, certains malades échappés des dispensaires ont failli être lynchés par la foule.

    Combien de temps encore faudra-t-il avant que la rage et la peur ne l’emportent ? Dans l’une des ultimes scènes du film, les derniers survivants prennent Jim pour un contaminé, tant son comportement bestial et sa rage le portent aux pires extrémités. Dans les deux camps, au final, la part d’humanité s’est réduite comme peau de chagrin.

    Virginie Lepetit, Courrier International
    @lepetit_peuple