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    Ukraine-Russie, le retour de la guerre froide ?

    en partenariat avec Courrier International

    Face aux événements dans l’est de l’Ukraine, les commentateurs évoquent de plus en plus souvent le spectre d’une rupture entre l’Occident et la Russie. Mais le cinéma n’a-t-il pas déjà annoncé cette rupture ? Illustration avec deux films, un russe et un américain.


    Un an après le début de son “Eurorévolution”, l’Ukraine se retrouve aux prises avec sa puissante voisine la Fédération de Russie. À une échelle nettement plus inquiétante, puisque ce conflit aurait déjà fait plus de 5 000 morts, on assiste à une redite de ce qui s’était passé entre la Russie et la Géorgie en août 2008. À l’époque, l’armée géorgienne avait tenté de reprendre le contrôle de l’Ossétie du Sud, avant d’être repoussée par les troupes russes. La guerre avait duré cinq jours et avait causé la mort de près de 600 combattants et civils.

    Pour l’Occident, les responsabilités étaient claires : la malheureuse petite Géorgie avait été victime de l’agression inique de l’immense Russie. Discours repris sans recul par Renny Harlin en 2011 dans un film d’une rare lourdeur hollywoodienne, État de guerre (5 Days of War), avec Andy Garcia et Val Kilmer, où l’on voyait des Géorgiens angéliques résister à de féroces hordes russes.

     


    Dans ce bras de fer de l’image, le cinéma russe avait cependant été le premier à ouvrir les hostilités, dès 2008, avec Olympus Inferno, d’Igor Volochine, qui racontait l’histoire d’un entomologiste américain perdu en Ossétie du Sud au moment de l’offensive géorgienne. Les soldats de Tbilissi y étaient dépeints avec à peu près autant de finesse que les Russes de Renny Harlin, et le scénario s’offrait même le luxe de nous montrer des militaires américains encadrant les troupes géorgiennes.

     

    Sous prétexte de nous présenter le “vrai visage” de la guerre, les deux films s’adonnaient à une orgie de violence gratuite pour mieux dénoncer l’inévitable barbarie ennemie.

    Il est fort probable que, dans un avenir proche, les cinéastes russes, dont la plupart, aujourd’hui, soutiennent ouvertement Vladimir Poutine, régaleront leur public de longs métrages sanglants contant les méfaits de la “junte fasciste de Kiev”, nom donné par les médias de Moscou au gouvernement ukrainien démocratiquement élu. Puis Hollywood ripostera sans doute à sa façon tout aussi subtile. Après tout, dans les années 1990 et 2000, les Russes n’avaient pas perdu leur statut de “méchants de cinéma”. Tout au plus les réalisateurs américains se souciaient-ils d’en faire des mafieux ou des militaires putschistes.

    Alors, plutôt que de parler de “nouvelle” guerre froide, peut-être faudrait-il admettre que l’ancienne n’a jamais vraiment cessé ? Et que l’Ukraine n’est finalement qu’un front de plus dans cet affrontement entre grandes puissances ?
     

    Raymond Clarinard, Courrier international