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    "Night Call" : La course aux scoops rend-elle fou ?

    en partenariat avec Courrier International

    Dérapages, mise en danger des otages, entrave aux forces de l’ordre… Lors des attentats de Paris, la France a découvert les dérives médiatiques que peut engendrer la course à l’audimat. Une situation à laquelle les Américains se sont habitués et dont la part sombre est superbement mise en scène dans Night Call, de Dan Gilroy.


    "Si ça saigne, ça fait la une !"


    Night Call - Collection Christophel - © Bold Films - DR

    Quand le grand écran hollywoodien s’intéresse à la petite lucarne, ça fait mal. Ça saigne même. Et pour cause, "si ça saigne, ça fait la une", comme le proclame la devise du média qui emploie Lou, alias Jake Gyllenhaal, dans Night Call. Le film de Dan Gilroy, sorti fin 2014, raconte le quotidien d’une chaîne d’information locale fictive de Los Angeles. Lou, cameraman débutant, est embauché pour rapporter des images de faits divers toujours plus chocs. La course au morbide et l'appât du gain vont l'entraîner dans une folie meurtrière.

    Le parcours du héros peut être interprété comme la métaphore d'une certaine réalité médiatique outre-Atlantique, où le spectaculaire est devenu la règle pour faire grimper l’audimat. En France, nous sommes encore loin d'une concurrence aussi débridée. Il n’empêche, une forme de folie s’est emparée des chaînes d’info françaises lors des attentats de Paris, en janvier dernier. Leurs téléspectateurs, toujours plus nombreux dans l’Hexagone, ont alors été témoins des dérives que peut entraîner la course effrénée aux scoops.


    Vers une américanisation du traitement de l’info ?


    Night Call - Collection Christophel - © Bold Films - DR

    BFM TV qui indique à l’antenne la présence d’un otage caché dans une chambre froide de l’Hyper Casher, la même chaîne qui s'entretient de longues minutes au téléphone avec les frères Kouachi avant de diffuser l’enregistrement, les forces de l’ordre mobilisées pour tenir les journalistes à l’écart de la prise d’otages de Vincennes… Les manquements dénombrés par le CSA, nombreux, ont engendré pas moins de 21 mises en demeure et 15 mises en garde contre des radios et télévisions françaises, le 12 février.

    Dans Night Call, la chaîne d’information ne risque pas ce genre de désagréments, les Américains ne posant aucune limite à la liberté des médias. Les chaînes, guidées par l’audimat, sont ainsi devenues ces dernières années plus trashs et plus rapides.

    En France aussi, le trash paye. BFM et iTélé ont toutes deux largement battu leurs records d’audience en janvier. Et les chaînes d’info en continu ne semblent pas prêtes à reculer devant l’autorité de régulation des médias français, comme l’ont montré les attentats à Tunis, le 18 mars. iTélé a diffusé en direct l'appel d’une otage retenue à l’intérieur du musée du Bardo. La course au scoop semble d'autant difficile à réguler que, dans ce dernier cas, c'est l'otage elle-même qui avait contacté la chaîne de télévision…
     

    Corentin Pennarguear, Courrier international                  
    @Corentinpennar