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    • DIM 11 DÉCEMBRE 2011 À 15:30

    La Master class de Mike Leigh

    Comment fait-il pour que ses films ne ressemblent jamais à ceux d’aucun autre cinéaste ? Pour que chaque scène qu’il crée paraisse un moment de vie ? Mike Leigh tient à ce qu’il appelle ses “secrets de fabrication”. Il lui arrive pourtant de soulever un coin du voile de mystère dont il recouvre ses projets, ses tournages, ses manières de faire.

    Celles-ci ne ressemblent à aucune autre : douze semaines de tournage pour Another Year (2010), précédées de quatre mois de répétitions avec les acteurs. Pour Vera Drake, portrait d’une avorteuse dans le Londres des années 50, les répétitions ont même duré six mois, à raison de dix heures par jour. À ses interprètes, dont la plupart forment autour de lui comme une famille, il demande alors d’improviser à partir d’un embryon de scène, c’est ainsi et c’est là que le film s’écrit, dont pas une ligne ensuite ne sera modifiée.

    Et puisqu’alors tout ce qui est filmé est vrai, son propre regard devient celui d’un documentariste, qu’il capte la vie mouvementée d’un restaurant de cuisine prétendument française à l’enseigne du “Regret Rien” (Life is Sweet, 1991), les errements et la violence d’un laissé-pour-compte (Naked, Prix de la mise en scène à Cannes en 1993), la rencontre d’une mère et de la fille qu’elle n’a jamais connue et dont elle n’avait jamais imaginé qu’elle pût être noire (Secrets et Mensonges, Palme d’or 1996), les relations de Gilbert et Sullivan, auteurs d’opérettes à succès dans l’Angleterre victorienne (Topsy-Turvy, au-delà des apparences un de ses films les plus personnels), ou les quatre saisons d’un couple de sexagénaires paisibles confrontés au mal-être de leurs amis (Another Year).

    Guidée par le désir de “comprendre ce que nous sommes et pourquoi” et par la volonté de “découvrir d’où nous venons”, son ambition première est de créer des “moments de vie”, vécus non par des personnages mais par de “vraies personnes”, qui se comportent comme lui, comme nous tous. De “vraies personnes” incarnées par d’immenses comédiens, Jim Broadbent et Ruth Sheen, Imelda Staunton et Timothy Spall, Lesley Manville, Brenda Blethyn et tous les autres. Qui ne sont jamais aussi grands que lorsqu’au service du singulier M. Leigh, dont les rondeurs bien assumées dissimulent mal une exigence jamais prise en défaut et offrent d’entrevoir cet humour, cette ouverture au monde et cet amour de l’autre qui comptent au nombre de ses vertus cardinales.

    Pascal Mérigeau

    Critique au Nouvel Observateur, Pascal Mérigeau a publié plusieurs ouvrages sur le cinéma dont “Pialat” (Éd. Ramsay, 2007), “Cinéma : autopsie d’un meurtre” (Éd.Flammarion, 2007) et “Depardieu” (Éd. Flammarion, 2008).

    Durée approximative de la séance : 1h30