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    • MER 17 FÉVRIER 2010 À 18:30

    La Master class d’Amos Gitaï

    Cinéaste prolifique, avec une cinquantaine de films réalisés au cours des trente dernières années, Amos Gitaï représente à lui seul, jusqu’au début des années 2000, le cinéma israélien sur la scène internationale. Alternant documentaires et fictions, ce diplômé d’architecture devenu cinéaste n’a de cesse d’interroger l’histoire d’Israël et du Moyen-Orient, plaçant les thèmes de l’exil et de l’utopie au coeur de son cinéma. Sa propre histoire n’y est évidemment pas étrangère. Soumis à des pressions gouvernementales et militaires, suite à la controverse de Journal de campagne (1982) tourné avant la guerre du Liban, il est contraint de quitter Israël et s’installe à Paris. Au cours de cette longue période, il réalise d’abord des documentaires comme Ananas (1984), regard sarcastique sur la production et la commercialisation de ce fruit par les multinationales, puis des fictions sur le thème de l’exil : Berlin-Jérusalem (1989), prix de la critique à la Mostra de Venise, puis la trilogie du Golem entre 1991 et 1993. Suite à l’élection d’Yitzhak Rabin au poste de Premier ministre en 1992, Amos Gitaï revient vivre en Israël. Il tourne Devarim à Tel-Aviv en 1995. Ce film désenchanté, dans lequel il fait le deuil d’une génération et de tous les espoirs qu’elle portait, est le premier volet d’une trilogie des villes qui se poursuit avec Yom Yom (1998) où il retrouve Haïfa, sa ville natale, cadre des aventures tragicomiques d’une famille judéo-arabe. Kadosh (1999), filmé à Jérusalem dans le quartier juif orthodoxe de Mea Shearim, clôt la série en questionnant le poids des traditions et la place réservée à l’individu. Kippour en 2000, Eden en 2001 et Kedma en 2002 propulsent le cinéaste dans le passé. Si Kippour, film autobiographique, est nourri de ses souvenirs de guerre et d’images qu’il a filmées à l’époque avec sa caméra super 8, les deux suivants s’attachent aux origines de la création de l’État d’Israël.

    Cette page d’histoire revisitée, Amos Gitaï poursuit son travail d’observateur des évolutions de son pays et revient au présent avec Alila (2003). Dans cette chronique de la vie d’un immeuble de Tel-Aviv, il sonde l’état de chaos et de fatigue dans laquelle se trouve la société israélienne. Avec Terre promise, Free Zone et Désengagement, la problématique des frontières et des déplacements de populations devient centrale et prend toute sa dimension dans une région où leur fixation constitue un enjeu dramatique. Si le cinéma d’Amos Gitaï est d’une telle richesse et diversité, c’est à la sagacité de son auteur qu’on le doit. Les trois documentaires qu’il réalise, à 25 ans d’intervalle, sur l’histoire d’une maison de Jérusalem-Ouest et de ses habitants palestiniens, juifs algériens et israéliens selon les époques – House / La Maison (1980), Une maison à Jérusalem (1998) et News from Home / News from House (2006) – sont exemplaires tant le regard de chacun devient la métaphore du destin de cette terre que Gitaï aime malgré toutes ses contradictions.

    Critique au Nouvel Observateur, Pascal Mérigeau a publié plusieurs ouvrages sur le cinéma dont “Pialat” (Éd. Ramsay, 2007),“Cinéma : autopsie d’un meurtre” (Éd. Flammarion, 2007) et “Depardieu” (Éd. Flammarion, 2008).