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    Monsieur Smith au Sénat
    Monsieur Smith au Sénat © Collection Christophel
    du 16 SEPTEMBRE 2009 au 28 JANVIER 2010

    Parole

    Du 16 septembre 2009 au 28 janvier 2010

    Du 16 septembre 2009 au 28 janvier 2010, le Forum des images développe une programmation originale autour d’une question qui lui tient particulièrement à cœur : la Parole. Rencontres, débats, plaidoiries, contes parlés... Découvrez sur grand écran les thèmes de la parole sacrée (Ordet, les Sigui), la justice (Témoins à charge, Délits flagrants), la parole au pouvoir (Mr Smith au Sénat), l'éloquence (Guitry, Rohmer), le parlé-chanté (Demy), les chants (Bollywood) et contre-chants (Ma 6-T va crack-er)...

    Première partie du cycle Parole du 16 septembre au 1er novembre 2009.

     

    C’est avec la naissance de la parole que nous quittons la première enfance (in-fans, qui ne parle pas…). C’est par l’apprentissage de la parole que l’Enfant sauvage de Truffaut doit rejoindre la “civilisation”. C’est par la parole que dieux et prêtres s’adressent à leurs fidèles. Dans une scène deL’Évangile selon Saint-Mathieu de Pasolini, Jésus maudit le figuier stérile et le dessèche par la seule force de ses mots. Ce n’est pas la foi qui déplace les montagnes, mais bien la parole. 

     

    Les révoltes sont rarement muettes

    Pendant des heures, le naïf mais sincère Mr Smith vient défendre sa cause devant le Sénat américain et finit par triompher (Monsieur Smith au Sénat de Frank Capra). On peut définir la démocratie comme le régime de la parole. La parole se prend - les révoltes sont rarement muettes. Mai 68 est ainsi resté dans la mémoire collective comme un événement de parole, et le cinéma en a conservé les échos sonores. Qui peut oublier les mots de colère terribles de la jeune ouvrière des usines Wonder à la reprise du travail ? Paroles si fortes, si justes, si universelles qu’elles ont conduit Hervé Le Roux à partir, trente ans après, à la recherche de celle qui la portait (Reprise). 

     

    Du sans-voix au tyran

    Et puis il y a tous ceux qui n’ont pas la parole. Parfois, les films la prennent en leur nom : aussi bien Buñuel avecTerre sans pain que Pedro Costa avec Dans la chambre de Vanda. C’est le tabou que l’on brise (Festen de Thomas Vinterberg). Ce sont les paroles enfermées que le cinéma porte vers nous (L’Ordre de Jean-Daniel Pollet ;9 m2 pour deux de Joseph Cesarini et Jimmy Glasberg…). Ce sont les travaux d’Armand Gatti, dont l’oeuvre littéraire et cinématographique (Le Lion, sa cage et ses ailes) s’est écrite et se compose avec et depuis la parole de l’autre. Mais si parfois la parole libère, soigne, guérit, elle peut aussi être violente, tyrannique. “Ce dont j’avais toujours eu la prescience se trouvait aujourd’hui confirmé : je savais parler”, écrit Adolf Hitler dans “Mein Kampf”. Phrase terrible, que Charlie Chaplin, dans Le Dictateur, illustre puis retourne magistralement. Il y a donc parole et parole. Parole de Dieu, parole du tyran, parole du juge, conversation, aveu, confidence, discours, harangue ou conte… c’est cette polysémie du mot parole que la première partie du programme explore en septembre et octobre. Avant de proposer, en décembre et janvier, une riche polyphonie, où voisinent l’éloquence, l’oralité, le chant… mais aussi le silence.  

     

    Les idoles invisibles

    Le film peut bien être parlant ou muet, il y aura toujours, à l’écran ou dans la salle, une parole. Car si le cinéma est une sorte de “conservatoire de la parole”, il en est aussi un déclencheur. C’est aussi ce à quoi ce cycle vous invite. Pour donner tort à la terrible vision de l’écrivain Valère Novarina : “Voici que les hommes s’échangent maintenant les mots comme des idoles invisibles, ne s’en forgeant plus qu’une monnaie : nous finirons un jour muets à force de communiquer ; nous deviendrons enfin égaux aux animaux, car les animaux n’ont jamais parlé mais toujours communiqué très très bien. Il n’y a que le mystère de parler qui nous séparait d’eux. À la fin, nous deviendrons des animaux : dressés par les images, hébétés par l’échange de tout, redevenus des mangeurs du monde et une matière pour la mort. La fin de l’histoire est sans parole.” 

     

    Pendant plusieurs mois, le Forum des images convie à écouter et à dire. L’histoire n’est pas encore finie. L’anthropologue et sociologue Philippe Breton nous invite à plus d’optimisme : “Ce que le nouveau règne de la parole contient en puissance n’est rien moins qu’une prise en main progressive, par l’homme, de son destin, dans une société plus douce à vivre. Ce processus a commencé sous nos yeux.” Ne le faisons pas mentir, parlons-en. 

     

    filmographie complète

     

    Deuxième partie du cycle Parole du 9 décembre 2009 au 28 janvier 2010.

    “Qu’est-ce que les mots nous disent en secret ? Quel est le secret que nous nous passons les uns les autres en parlant ?” Ces questions, l’écrivain et dramaturge Valère Novarina les pose dans un court mais grand texte, “Devant la parole”, placé en exergue à cette deuxième partie du cycle Parole. Le 12 décembre, en sa présence, le comédien Louis Castel interprète ce texte qui est davantage qu’un éloge des mots. Ce n’est pas seulement la langue qui est en jeu dans la parole, mais bien tout le réel : “C’est sur la parole que la matière repose. (...) C’est un autre monde que nous verrions de nos yeux avec d’autres mots. Le visible est un renouvellement perpétuel de paroles. Rien n’est sans voix.” 

     

    Il était une fois

    “Il était une fois…”. La sensation que provoque cette phrase, ou ses équivalents, est probablement universelle. Car il semble que le besoin d’entendre raconter des histoires, et de les raconter soi-même, soit une constante dans les cultures humaines. Notre organisation sociale moderne est rarement encline, excepté dans l’enfance, à écouter les conteurs. Le cinéma aurait-il pris la place du conte pour satisfaire ce besoin universel ? Gageons plutôt qu’il accompagne aujourd’hui le théâtre et le conte pour nous faire entendre des voix et des histoires. Ainsi, le programme de décembre donne-t-il une grande place à des comédiens et conteurs, qui font entendre leurs voix autour des films et avec eux. Car des histoires, le cinéma nous en raconte, qu’il puise dans l’immense répertoire du conte (Le Voleur de Bagdad, Les Baliseurs du désert, Le Joueur de flûte…), de la littérature (Le Décaméron) ou qu’il invente ses propres imaginaires (Big Fish, Le Roi et l’oiseau…).  

     

    Conservatoire de la parole

    Les mots de Shakespeare (Macbeth, filmé par Orson Welles),  l’accent de Raimu (Marius d’Alexander Korda), les dialogues de Marcel Pagnol (La Femme du boulanger), les alexandrinsd’Edmond Rostand (Cyrano de Bergerac de Jean-Paul Rappeneau), la poésie solennelle de Jean Cocteau (Les Parents terribles), la faconde des comédiens duCarrosse d’or de Jean Renoir, le théâtre Nô (Le Château de l’araignée de Kurosawa) : le cinéma est un “conservatoire de la parole”. Il garde la mémoire des mots, des expressions, des accents, des discours. Il transmet dans l’espace et le temps toute une diversité de paroles. En écoutant les dialogues d’Éric Rohmer, se livre tout un art de la conversation et du dialogue amoureux, à la fois inscrit dans une époque et profondément intemporel. Collaboratrice des Cahiers du cinéma, Charlotte Garson vient en parler le 13 décembre. 

     

    Laboratoire de la parole

    Parce que s’y inventent sans cesse de nouvelles façons de la prendre, le cinéma est aussi un laboratoire de la parole. Ingmar Bergman met magistralement en scène les dialogues de songe et du réel, du passé et du présent (Après la répétition). Sacha Guitry
    filme avec légèreté les pirouettes verbales du vaudeville (Quadrille). Marguerite Duras cisèle les mots obsédants de la mémoire et de l’enfance (Des journées entières dans les arbres). Et ce laboratoire s’adresse ainsi à nous, spectateurs. Cette exploration permanente de la parole que propose le cinéma est une invitation qui nous est faite à être ce “spectateur critique” dont parle Jean-Louis Comolli, dont le séminaire “Prendre la parole” se poursuit tout au long de ce cycle. Dans une guerre qui ravage aujourd’hui notre monde, et que nous impose l’empire des médias, “guerre dans les formes de parole, dans les formes d’écoute, dans les formes de transmission”*, Comolli nous rappelle que le cinéma peut être notre allié. 

     

    filmographie complète

     

    * Extrait de la première séance du séminaire “Prendre la parole”, au Forum des images le 23 septembre 2009. 

     

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