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    "Under the Skin " de Jonathan Glazer
    "Under the Skin " de Jonathan Glazer © Seventh Kingdom
    du 10 DÉCEMBRE 2014 au 25 JANVIER 2015

    Contamination

    Est-ce ainsi que les hommes vivent ? Entre algues vertes, vaches folles, airs, eaux et sols pollués, sans compter les armes chimiques ou bactériologiques, l’époque est au risque et au danger, aux seuils d’alerte et périmètres de sécurité. Les dieux, cette fois, n’y sont pour rien. Bienvenue dans notre monde toxique.

    « Aujourd'hui, à la télévision, on ne parle que du virus informatique Michelangelo qui doit théoriquement ruiner à travers le monde des milliers de banques de données. Je note, aux actualités, le vocabulaire utilisé : propagation, contamination, transmission de la maladie, vaccin, infection, etc. Nous vivons dans une décennie prise par l'obsession de toute contagion. Notre langage est infesté pour longtemps des métaphores de la médecine et de l'épidémie, comme du lexique de la morbidité.* »

    Ces mots, tirés de l’unique et bouleversant roman d’un écrivain atteint du sida qui devait l’emporter, sonnent toujours juste vingt ans après. Ne parle t-on pas de nos jours d’emprunts toxiques ou de marketing viral ? Il y a eu depuis d’autres virus informatiques, aux doux noms de Melissa ou I LoveYou, et les trithérapies sont apparues, prolongeant, dans l’attente d’un vaccin, l’espérance de vie des séropositifs pouvant accéder aux soins. Les machines et les hommes, attaqués de l’intérieur par un mal invisible, est bien une peur de notre temps et une réalité du monde où nous vivons.

    Dans les films désormais, le menaçant ne relève plus forcément de la science-fiction mais s’inscrit bien souvent dans le cadre familier de notre quotidien. C’est dans un embouteillage que commence le calvaire de l’héroïne de Safe (1995). Une quinte detoux inextinguible, attribuée aux gaz d’échappements, puis les jours suivants d’autres symptômes et un malaise grandissant auquel la médecine ne trouve pas de réponse. Le film de Todd Haynes n’a pas pris une ride, et renvoie un reflet glaçant de la société moderne et des maux physiques et psychiques qu’elle engendre. Le questionnaire que soumet à ses patients le centre new age, spécialisé en maladies liées à l’environnement, vers lequel se tourne Carol, se clôt sur cette interrogation, qui donne le vertige : « Êtes-vous allergique au 20e siècle ? »

    *« Le Fil » de Christophe Bourdin, éd. de la Différence, 1994, p.100

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