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    Vincent Lindon
    Vincent Lindon

    La Master class de Vincent Lindon

    Il dit aimer par-dessus tout les personnages “bruts de décoffrage”, qui longtemps ne lui ont pas été proposés - peut-être parce que lui-même est issu d’un milieu de bourgeois intellectuels - mais qui lui ressemblent bien. C’est ainsi qu’un jour il repère dans un scénario de Pierre Jolivet un rôle secondaire, “un type en survêtement, qui boit de la bière, scotché devant son téléviseur”. Voilà, c’est ce qu’il veut, mais pas le temps d’une scène, pendant tout un film. À la suite de cette première rencontre, le cinéaste écrira pour lui Fred, qui offrira à Vincent Lindon de tourner enfin le dos à ce “garçon charmant qui se prend les pieds dans le tapis” qu’il lui était demandé d’être à l’écran et dont contre son gré il s’était fait une spécialité. C’était en 1997 et l’acteur avait déjà derrière lui près de quinze ans de cinéma et pas loin de trente films à son actif.

    Les cinéastes français ont compris alors qu’il pouvait tout jouer sans cesser jamais d’être à sa place. Maçon amoureux d’une institutrice dans Mademoiselle Chambon, de Stéphane Brizé, maître nageur renversé par le destin d’un jeune immigré décidé à traverser la Manche à la nage, lui qui ne sait pas nager, dans Welcome de Philippe Lioret, Vincent Lindon s’empare de ses personnages à bras-le-corps et subjugue (et parfois épuise) ses metteurs en scène par son implication, son énergie et une exigence extrême. Face à Alain Cavalier, il vient de participer à l’aventure la plus singulière qui se puisse imaginer : commencé au lendemain de la Master class donnée par Alain Cavalier au Forum des images, en février 2010, le tournage de Pater, présenté en compétition à Cannes, s’est déroulé sur plus d’une année, au fil de laquelle le filmeur et l’acteur se sont retrouvés régulièrement, Alain Cavalier dans le rôle d’un président de la République, Vincent Lindon dans celui de son Premier ministre. Expérience inédite, que le cinéaste n’a jamais seulement imaginé de partager avec un autre partenaire et complice.

    Entre autres particularités, Vincent Lindon présente celle, rare parmi les comédiens, d’être un cinéphile compulsif, acharné à faire partager ses découvertes, au service desquelles il met un enthousiasme souvent délicieusement emporté. Aussi bien est-il raisonnable de penser que ce 9 juin au Forum des images, il sera question presque autant de Robert Mitchum ou de James Cagney que de Vincent Lindon.

    Pascal Mérigeau

    Critique au Nouvel Observateur, Pascal Mérigeau a publié plusieurs ouvrages sur le cinéma dont “Pialat” (Éd. Ramsay, 2007), “Cinéma : autopsie d’un meurtre” (Éd. Flammarion, 2007) et “Depardieu” (Éd. Flammarion, 2008).