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    Cinéma ville - octobre 2012

    Les halles

    Le quartier a beau changer, il conserve le nom de ce marché mythique qu’il a longtemps abrité : les Halles. Et s’il n’est plus le ventre de Paris dont Zola décrivait l’agitation, les couleurs, les odeurs, les clameurs, il en reste le coeur, au passé toujours présent, dont les films ont gardé la trace, à l’heure où se dessine son visage de demain.

    L’existence des Halles remonte à Louis VI, dit le Gros, qui le premier décide de créer un marché en plein air au croisement de trois voies importantes, la rue Saint-Denis, la rue Montmartre et la rue Saint-Honoré. Mais c’est sans conteste à Victor Baltard et ses fameux pavillons de verre et de métal que leur souvenir reste à jamais associé. Édifiée entre 1852 et 1870, cette superbe structure, abritant le plus grand marché de la capitale, prend sous la plume d’Émile Zola des airs de cathédrale : “Quand il déboucha dans la grande rue du milieu, il songea à quelque ville étrange, avec ses quartiers distincts, ses faubourgs, ses villages, ses promenades et ses routes, ses places et ses carrefours, mise tout entière sous un hangar, un jour de pluie, par quelque caprice gigantesque. L’ombre, sommeillant dans les creux des toitures, multipliait la forêt des piliers, élargissait à l’infini les nervures délicates, les galeries découpées, les persiennes transparentes ; et c’était, au-dessus de la ville, jusqu’au fond des ténèbres, toute une végétation, toute une floraison, monstrueux épanouissement de métal, dont les tiges qui montaient en fusée, les branches qui se tordaient et se nouaient, couvraient un monde avec les légèretés de feuillage d’une futaie séculaire.”

    De ces anciennes halles, il ne reste qu’un pavillon, déplacé à Nogent, mais les images ont conservé la trace de leur activité. Dans les films muets des années 20, Les Halles centrales et Crainquebille, on voit le ballet des marchands, de nuit, de jour, la circulation des chariots, la silhouette de ces “forts”, capables de porter sur 60 mètres une charge de 200 kg. Marcel L’Herbier en fait le théâtre de La Nuit fantastique (1941), car les Halles ne dorment jamais, entre l’activité du marché et celle des bistrots alentour où se côtoient travailleurs et noceurs, pauvres et bourgeois, Parisiens et touristes. Dans L’Air de Paris (1954), un mannequin élégant prend la pose au bras d’un costaud ; dans Voici le temps des assassins (1955), Jean Gabin, patron de restaurant, refuse de servir du Coca-cola à une Américaine… Autant de clichés qui campent le décor des Halles dans les films de fiction, mais disent bien leur atmosphère extraordinaire, restée dans les mémoires bien après leur disparition. 

    Comme dans les contes, elles ont vécu cent ans. À peine construites, elles ont été trop petites, et leur engorgement est rapidement devenu un problème dont la télévision naissante se fait l’écho. En 1959, L’Affaire des Halles aborde la question de leur transfert, et les avis sont partagés. Mais en 1969, le déménagement s’opère, et les images montrent la fin du marché, les pavillons désertés, puis leur démolition… Dix ans encore, et du fameux “trou” - où Ferreri farceur fera caracoler la cavalerie – a surgi le Forum, inauguré en 1979, abritant sous le pavillon Willerval une vie souterraine, d’autres échanges et d’autres populations. Aujourd’hui, le quartier, en chantier, annonce une métamorphose. À n’en pas douter, un nouveau décor pour les films à venir…