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    Amérique latine : peut-on en finir avec les cartels ?

    en partenariat avec Courrier International

    En septembre 2014, l'enlèvement de 43 étudiants dans l'Etat mexicain de Guerrero est venu rappeler l'emprise que les narcos exercent sur cette région du monde. Dans Maria pleine de grâce, une jeune Colombienne passeuse de drogue finit par trouver la voie de la rédemption. A quel prix ?


    L’emprise des cartels


    Maria pleine de grâce © Collection Christophel

    La jeune Maria, qui vivote avec sa famille dans une localité sans âme proche de Bogotá, refuse l’avenir incolore auquel elle semble promise. Une rencontre fatale avec un trafiquant va faire d'elle une mule, une convoyeuse de drogue. Contre la promesse de gagner beaucoup d'argent, elle accepte d'avaler des boulettes de cocaïne pour les cacher dans son estomac, avant de prendre l'avion pour New York.

    À travers le parcours de Maria, le réalisateur américain Joshua Marston révèle en 2004 l'étonnante banalité de la confrontation avec le crime organisé qui gangrène certains pays d’Amérique du sud. La Colombienne croise la route d’un dealer qui l’envoie à la mort avec autant de facilité que les paysans des montagnes du Guerrero, au Mexique, côtoient les caïds avec lesquels ils font affaire, cultivant les champs de pavot pour les cartels. Si le crime organisé est aussi détendu, pourrait-on dire, c’est qu’il est tout-puissant ; son pouvoir s’étend de chaque côté de l’océan Atlantique.

    Sa toile emprisonne tout le monde, aussi bien des responsables politiques comme l’a montré récemment l’affaire des 43 étudiants assassinés au Mexique avec la complicité d’élus locaux et de policiers à la solde d’un gang, que les individus les plus démunis. Ceux, par exemple, qui rêvent d’une vie meilleure, à l’instar de Maria la “mule” ou de ces innombrables enfants migrants d’Amérique centrale qui tentent de rejoindre les Etats-Unis au péril de leur vie.


    Question de survie


    Maria pleine de grâce © Collection Christophel

    La tentation de l’argent facile et du pouvoir côté trafiquants, une question de survie économique pour les paysans ou les migrants partis à la recherche de l’eldorado : peut-on desserrer cet étau mortifère qui pourrit les démocraties ?

    Joshua Marston donne sa chance à Maria : à New York, elle parvient à se libérer du cartel et peut envisager une vie meilleure, comme si la grâce était descendue sur elle. Mais s'il n'a pas voulu donner une fin tragique à son personnage, le réalisateur a souvent indiqué dans des interviews que les anonymes comme elles étaient, avant tout les victimes d'un inégal partage du monde entre pays pauvres et pays riches. Tant que la nécessité absolue jettera les migrants sur la route ou rendra des citoyens complices du crime, les pauvres mangeront dans la main des cartels. Aussi longtemps qu'il n'existera pas assez de justice sociale dans les pays en développement, il ne pourra y avoir de véritable lutte contre les cartels. La Colombie l'a compris, qui met en œuvre depuis quelques années un processus de paix et de lutte contre les inégalités.


    Sabine Grandadam, Courrier international
    @sgrandadam